OUJDA : Entretien avec le wali Mohamed Ibrahimi
La région va abriter dans les prochaines années la plus grande station balnéaire avec 30.000 lits qui va créer plus de 50.000 emplois.Libération : En tant que Wali de la
Région de l’Oriental, vous avez découvert une ville et une région. Comment l’avez-vous appréhendée?
Mohamed Ibrahimi : J’ai découvert une région sous d’autres aspects que ceux que l’on nous présentait. La connaissance que nous avons de cette région présentée «comme défavorisée et tentée de regarder vers l’Est» est une connaissance étriquée et restrictive. C’est en fait une région qui a beaucoup de potentiels qui n’ont pas encore été valorisés et qui présente de l’intérêt sur le plan stratégique compte tenu de sa vocation frontalière et de son positionnement maghrébin mais aussi euro-méditerranéen. Sur ce positionnement et ces atouts, on peut construire une région économiquement forte. Elle présente, en effet, plusieurs biotopes différents. Cela va de la zone du littoral méditerranéen jusqu’aux confins présahariens avec une diversité géographique et une diversité de richesses. C’est en fait, plusieurs pays dans une région et c’est une particularité qui mérite d’être exploitée.
Actuellement, on vit une autre réalité?
Non, il ne s’agit pas de projection. Nous avons aujourd’hui un moteur de croissance, celui du tourisme balnéaire. La région va abriter dans les prochaines années la plus grande station balnéaire avec 30.000 lits. Il y a un autre moteur de croissance qui est celui de l’agro-industrie, la région étant un bassin agricole important et il y a les filières viande et oléicole qui ont besoin de valorisation pour augmenter la valeur ajoutée. A moyen terme, il s’agit de créer avec toutes ces filières un pôle économique.
Il y a la rocade et le grand port de Tanger-Med qui ouvre de nouvelles perspectives. Qu’est-ce qui change pour la région avec ce grand projet?
Cela nous permettra de mettre en partage le grand complexe portuaire industriel et commercial de Tanger. Nous travaillons sur des formules de complémentarité et au niveau industriel, nous serons probablement amenés à développer des approches plutôt thématiques que générales. L’étude Émergence a désigné ce que seraient les métiers futurs du Maroc à partir des avantages comparatifs que peut offrir l’industrialisation du pays. Tanger a déjà de l’avance mais l’étude d’Ernest and Young dévolue à la Région de l’Oriental va définir pour nous les métiers industriels que nous pourrons recevoir. Il y a deux manières de faire, soit on essaie de développer en propre un plan industriel, en estimant qu’on peut le faire coupé de Tanger, soit on considère que Tanger est déjà en avance et que le complexe portuaire de Tanger offre des perspectives importantes pour l’implantation des moteurs industriels; auquel cas nous devons nous spécialiser sur des créneaux particuliers. Nous avons la possibilité grâce aux infrastructures que nous avons évoquées, d’être le complément du parc industriel de Tanger.
Vous n’en dites pas assez. Que préconise l’étude ?
L’étude du plan de développement industriel de la Région de l’Oriental lancé par l’Agence de développement et de promotion des régions du Nord par Driss Benhima et la willaya d’Oujda sera incessamment publiée par Ernest and Young. Elle nous permettra d’avoir de la visibilité, de définir nos pôles de compétitivité et j’ai demandé à ce que cette étude prenne en compte les résultats du plan Émergence.
Dans une première étape, nous pensons développer une zone franche sur Nador, avec une partie intra-portuaire pour la logistique et une partie extra-portuaire au niveau de Selouane qui va être le principal pôle industriel sur des métiers relativement complémentaires avec ce que l’on fait à Tanger. Notre principale force de frappe sera cependant constituée par une zone agro industriel entre Zaio et Berkane. Nous avons un potentiel agricole extrêmement important, mais nous avons des faiblesses énormes au niveau de sa valorisation. Nous pourrons ainsi être le poumon agro-industriel de cette grande région méditerranéenne. Mais il y a aussi tous ces métiers liés au tourisme que le projet balnéaire de Saïdia va booster. On pourra, à partir de l’étude, définir également nos zones franches et nos zones industrielles ainsi que les thématiques industrielles et les modus operandi à développer. L’étude doit aussi nous dire quels seront les métiers d’avenir et les dispositifs de formation qui doivent suivre.
On parle de la création de milliers d’emplois mais on se demande s’il y a eu un réel travail de formation et d’anticipation pour répondre aux attentes, faute de quoi comme le craignent certains acteurs économiques de la ville, on risque de voir passer le train et de rester à quai.
C’est une question de fond qui nous taraude. Maintenant, il faut savoir que l’expérience des méga-stations touristiques livrées clefs en mains est nouvelle. Le Maroc a l’ambition de piloter cinq stations à la fois; c’est dire le défi qui nous est lancé et qui est un immense défi! Mais nous devons le relever, car nous devons nous positionner sur un marché mondial balnéaire en extension considérable. Nous partons sur des avantages comparatifs parce que le Maroc est prisé et nous avons mis toutes les chances de notre côté, l’État s’engageant à accompagner les aménageurs-développeurs d’envergure mondiale qui sont parfaitement intégrés dans les circuits de la commercialisation au niveau mondial. Nous sommes donc assurés de la livraison de l’immobilier touristique mais aussi de l’accompagnement par les grands tour-opérateurs et les grandes chaînes hôtelières internationales. Quand vous avez des signatures comme celle de FADESA, de Kerzner ou de Thomas & Pierron, vous êtes sûr que vous avez derrière vous, toute cette industrie mondiale qui est intéressée et informée. Cela draine des investissements lourds et c’est une chance extraordinaire pour notre Région. C’est aussi un signal fort de ce que représente notre pays comme assurance et confiance dans l’avenir en termes de compétitivité sur le marché des capitaux au moment où la guerre fait rage pour attirer les investissements et les compétences. Maintenant pour revenir à votre question, il faut dire qu’aucun pays, aucune région ne sont préparés à recevoir des stations de cette taille.
Concrètement pour la région, cela veut dire quoi en termes d’hôtels, de touristes, d’organisation?
Nous allons recevoir d’ici 2008, 30.000 lits, une dizaine d’hôtels avec une capacité de 18.000 lits, du résidentiel, de l’animation, de l’activité touristique, trois golfs, une marina, un pôle commercial, des équipements publics et privés, bref c’est une ville de loisirs créée ex-nihil en quelques années qui vous est livrée. Pour vous donner une image, c’est l’équivalent d’une ville comme Agadir qui vous est livrée en 4 ans ! Mais la station va commencer à recevoir ses touristes à partir du début 2007, et on prévoit, lorsque la station sera achevée, l’arrivée de 600 000 touristes. L’enjeu pour nous, vous le comprenez, est immense! Tout le tissu de centaines d’entreprises, animation, mobilier, immobilier services, doit être prêt pour saisir les opportunités. C’est un grand marché qui est en train de se créer et qui doit intéresser les entrepreneurs locaux. Maintenant, les investisseurs étrangers sont les bienvenus car ce qui nous intéresse c’est que l’on crée de l’emploi. Peu importe la nationalité du capital, mais s’il est national et local, c’est tant mieux. Dans le court terme, il nous faut pouvoir répondre à quelque 50.000 emplois avec des profils précis. Je peux vous dire en toute honnêteté que nous n’avons pas ces profils et que nous n’avons pas de dispositifs pour les former.
A Oujda, nous avons des universités qui forment plus de 25.000 étudiants!
Oui. 25.000 étudiants inscrits dans des disciplines qui ne débouchent pas sur les emplois qui devront être pourvus dans la station. C’est le paradoxe de cette région! Nous avons 50.000 emplois à pourvoir dans le domaine du tourisme et dans le domaine industriel nous aurons quelque 15.000 emplois à pourvoir ces prochaines années. Le dispositif de formation de notre région n’est pas adapté pour répondre à cette demande. Si nous ne réagissons pas rapidement, il y aura une fracture entre le marché qui prend de nouvelles directions et un dispositif de formation qui est formaté pour un marché complètement dépassé. Il faut trouver des passerelles pour ne pas rester sur le quai comme vous dites, pour que ces emplois ne soient pas pris par les travailleurs d’autres pays. Il faut pour combler le décalage entre le rythme de livraison des stations et le rythme d’adaptation de l’économie, un dispositif de formation des ressources humaines par rapport aux nouvelles conditions du marché. D’un autre côté, on ne pouvait pas attendre d’avoir les ressources humaines formées pour enclencher des processus économiques. Maintenant, nous allons nous atteler à des programmes de reconversion des jeunes diplômés chômeurs mais la bonne formule reste à trouver pour éviter toute déperdition de pouvoir faire des formations initiales destinées aux métiers offerts par le marché. Nous avons lancé une étude lourde pour définir un référentiel des métiers de la station, on fait le chiffrage par rapport à la dimension et au volume de la station, tout en déterminant le niveau dans lequel on veut positionner la station. A partir de la restitution de ces résultats, on pourra recentrer notre dispositif de formation.
Si la Région pouvait ainsi garder ses cadres, mais aussi son argent, elle pourra un jour pouvoir se développer. Sur 35 milliards de dh de fonds des RME originaires de l’Oriental, seuls 12% restent dans les banques de cette région. Le reste part sur Casablanca et les autres régions?
C’est la loi naturelle du marché. Le marché du travail est ouvert et pour garder ses compétences, il faudrait que les créneaux économiques se développent, que les moteurs de croissance soient réels. Notre ambition est de développer des pôles d’excellence et nous avons déjà des écoles de qualité qui forment notamment dans les disciplines des télécoms et de l’informatique, mais il faut pouvoir retenir les ingénieurs dans la Région en créant des conditions de captage par le marché. Avec nos projections industriels, notre moteur de croissance touristique, avec l’autre moteur de l’agro-industrie qui se développe, je suis persuadé que l’on pourra retenir les meilleurs et même de drainer d’autres compétences nationales et internationales.
Il faut à la fois construire mais aussi déconstruire tout ce flux de contrebandes venant de l’Algérie et de Mellilia qui mine tout effort économique de la Région et ce, dans un contexte social explosif. Alors que faire?
Nous sommes dans une région frontalière et comme dans toute région frontalière, la contrebande est un phénomène naturel. Ce qui peut gêner, c’est le volume de cette contrebande, l’importance du chiffre d’affaires des transactions illicites et la nature des produits de contrebande qui créent des conditions de concurrence insupportable. Il y a un plan de lutte quasi-quotidien des pouvoirs publics et il faut constater que la contrebande a énormément régressé. Ce phénomène, à mon avis, n’est pas à inscrire dans la durée, du moins dans son volume actuel. La contrebande a deux origines, le différentiel tarifaire et le différentiel au niveau du taux de change qui vont progressivement se réduire, car il y a des démantèlements, des alignements tarifaires, des alignements dictés par les règles de l’OMC …
Propos recueillis par Farida Moha Source : Libération (Maroc) 01/03/2006
4 Comments
01/03/2006!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
je ne sais pas dans quelle visée s’inscrit la publication d’un article qui date depuis 2006 (01/03/2006 )…
اشكر وجدة سيتي على اعادة نشر هذا الأستجواب على الأقل من باب تذكير السيد الوالي بما قاله وبما وعد بانجازه / ماذا انجز منه وماذا بقي منه ، لأن الكثير من المسؤولين يتكلمون مع الصحافة لكن لا ينجزون اي شيء مما يقولونه ، واليوم امام التكنولوجيا الأعلامية نحن في زمان ـ لا شيء فيه ينسى ـ وحاسب لسانك ,,,, فهل وصلت الرسالة
Merci FARIDA