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L’espace de projets de Figuig

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L’espace de projets de Figuig

1. Caractéristiques générales

Située au coin extrême Sud-Est de la Région de l’Oriental, la cité oasis de Figuig se trouve dans un fond de cuvette de 5 à 6 km de diamètre. Cette cuvette est dominée par les hauteurs du : Jbel Khrouz, (1990m), Jbel Malias, Jbel Znaga, Jbel Taghda et Jbel Sidi Youssef. L’espace de projets comprend, en plus de Figuig, la commune rurale de Abbou Lakhal.

Le fond de ce bassin est tapissé par des dépôts néogènes et quaternaires (sables, limons, alluvions et travertins) qui ont autorisé, depuis fort longtemps, le développement d’une activité agricole variée et la constitution de l’une des plus anciennes oasis du Sahara.

Le climat est saharien (moins de 100 mm de précipitations par an en moyenne). Grâce à une trentaine de sources, l’oasis dispose de l’eau nécessaire à l’AEP et pour les besoins de l’irrigation de quelque 600 hectares). Le système d’irrigation traditionnel multiséculaire est toujours en vigueur, mais nécessite d’importants travaux de réfection.

Le système de production de l’oasis est axée sur le palmier avec une vingtaine de variétés, parmi elles la plus connue étant celle qui fournit la datte dite Aziza.

La population des palmiers, estimée aujourd’hui à quelque 50.000 pieds, représente moins du tiers de celle dénombrée au début du 20ème siècle. Ce recul dramatique de la palmeraie est dû à l’effet conjugué de différents facteurs plus ou moins fortement agissants :

–    la permanence des maladies cryptogamiques notamment le bayoud ;
–    les coupes continues sous la pression de l’urbanisation ;
–    le non-rajeunissement des plantations ;
–    la raréfaction de l’eau d’irrigation ;
–    l’abandon de plusieurs exploitations ;
–    l’option de certains exploitants de laisser leur terre en friche.

Constituant la strate moyenne, sous celle des palmiers, les arbres fruitiers divers, au nombre de 20.000 pieds environ, fournissent une bonne partie des besoins locaux. La strate inférieure, au sol, est composée par diverses cultures maraîchères, destinées à la consommation locale, ainsi que des cultures fourragères pour maintenir un petit élevage bovin, en plus d’une céréaliculture occupant les espaces les moins bien irrigués.

L’oasis de Figuig présente, depuis bien des décennies déjà, des signes de crises qui se sont aggravées avec la raréfaction de l’eau, le tarissement de plusieurs sources (une quarantaine au début des années 70 contre à peine 25 aujourd’hui), ce qui menace sérieusement la survie de « la cité-oasis », au passé prestigieux et occupant une position géostratégique de première importance sur la frontière sud-est du Maroc. Cette crise se traduit bien par la stagnation du volume de population au cours des dernières décennies.

2. La problèmatique de développement de Figuig

Figuig représente l’oasis la plus importante de l’Oriental, région qui d’ailleurs n’en compte que fort peu, et se trouve être parmi les plus prestigieuses au niveau national, en raison de son histoire chargée d’évènements marquants et de sa dimension culturelle dans l’ensemble du Sahara intérieur.

Or, cet organisme n’a pu se maintenir en équilibre que grâce à la disponibilité des ressources en eau, à la maintenance d’un système d’irrigation fort ingénieux, bien adapté au site, et à la permanence d’une organisation communautaire, basée sur la solidarité, la discipline et la conscience collective.

Toutefois, on peut estimer que ce système socio-économique, qui a longtemps garanti la pérennité de l’oasis, a commencé à souffrir d’un grand nombre de problèmes de tous ordres qui ont entraîné sa crise et, à plusieurs égards, le dysfonctionnement de l’organisme oasien.

Les plus saillants de ces problèmes sont la raréfaction de l’eau, la réduction du territoire cultivé, la dégradation des qsour et l’émigration des jeunes; ce qui met de plus en plus en péril la vie  de l’espace de projets de Figuig.

2.1. Le stress hydrique

L’eau souterraine est de plus en plus saline, en raison du surpompage. On peut présenter le scénario assez pessimiste qui ferait qu’avec la motorisation avancée des pompage, et leur accentuation, les contacts entre nappes douces et nappes salines vont s’accuser et la salinité s’étendre davantage.

La mauvaise gestion de l’eau de la nappe profonde pourra  entraîner une extension des efflorescences salines et, par-là, la dégradation des sols et de la palmeraie. Seul un strict respect des possibilités hydrogéologiques peut permettre la durabilité de l’oasis.

Les nappes et les sources de Figuig connaissent également une baisse drastique, parallèlement à leur salinisation, due à la forte surexploitation. En effet, les 39 sources des années 70 fournissaient 300 litres /seconde. Actuellement les sources en fonction, au nombre de 25 seulement, ne fournissent plus que 200 l/s, soit une chute du 1/3 du débit au cours des trois dernières décennies. Et la tendance régressive ne semble guère se ralentir.

La réduction de la ressource hydrique s’explique essentiellement par le tarissement de plusieurs sources, l’amenuisement des apports des nappes et le pompage excessif qu’effectuent les exploitations agricoles qui se sont développées dans l’oasis et ses périphéries ouest. La diminution des débits a frappé inégalement les différentes sources alimentant l’oasis, faute de recharge importante à cause de l’aridité structurelle et des sécheresses accusées.

Parallèlement à la diminution du débit des sources et au tarissement de plusieurs d’entre elles, ainsi que le rabattement du niveau de la nappe et la salinisation des eaux souterraines, les ressources en eau subissent d’importants gaspillages à cause de la détérioration des seguias et la dégradation avancée des ouvrages hydrauliques.

Ces déperditions importantes continuent au moment où la demande en eau potable augmente au fur et à mesure que s’accroissent les besoins et se diversifient, et que s’intensifie le mouvement de construction au sein de la palmeraie.

2.2. Perspectives démographiques

Considérant que l’état de crise actuelle ne saurait se prolonger à l’avenir, et tenant compte des projets préconisés par le SDAR afin de relancer l’économie de l’oasis et le développement de la ville, la population de Figuig devrait connaître une légère croissance de l’ordre de 1% l’an en moyenne au cours des deux ou trois décennies à venir. Estimée à quelque 15.000 personnes aujourd’hui, cette population pourra tendre vers 20.000 habitants, en 2025-2030.

Dans ces conditions, la population pourra se situer autour de 16.000 habitants en 2010 et 18.000 habitants en 2020. Ceci étant, il convient de noter que la population de Figuig resterait stagnante autour de 14.500 âmes dans le cas où la stratégie de développement élaborée pour cette ville oasis ne verrait pas le jour.

On pourrait même prévoir une baisse de la population, si les facteurs actuels venaient à se prolonger et que la situation se détériorait.

2.3. La réduction du terroir agricole

L’interpénétration de l’activité agricole et de l’urbanisation confère au problème du sol, à Figuig, une dimension bien plus aiguë qu’ailleurs. C’est que l’espace cultivable fort réduit, défini par les conditions physiques, se trouve, de plus en plus, diminué par la désertification, la régression du volume d’eau d’irrigation et par le grignotage implacable opéré par une urbanisation anarchique et insidieuse. Ainsi, l’oasis qui tout en perdant continuellement sa base hydrique qui est sa raison d’être, voit sa base foncière se réduire comme une peau de chagrin.

L’avenir de l’espace de Figuig se trouve ainsi dangereusement menacé dans ses fondements mêmes, ce qui requiert la mise en œuvre d’une stratégie hautement volontariste de développement et d’aménagement, et la prise de mesures draconiennes puisqu’il y va du destin de cette oasis millénaire et de toute la charge symbolique et civilisationnelle qu’elle porte au niveau national.

2.4. L’assainissement et l’environnement

2.4.1. La question inquiétante de l’assainissement liquide

Il n’existe pas actuellement de réseau proprement dit d’assainissement liquide dans la ville de Figuig. L’ancien réseau traditionnel est complètement dégradé et se mélange au réseau traditionnel d’eau, ce qui constitue une source de problèmes graves pour la santé de la population. Ce problème d’assainissement liquide se pose avec acuité, notamment au niveau des éléments suivants :

pollution des eaux par infiltration des fosses et puits perdus (vidés par la municipalité 1 à 2 fois l’an) ;
contamination des khattaras par l’eau usée des bains publics et des lavoirs ainsi que par les produits chimiques utilisés dans ces lieux ;
utilisation des saguias par les ménages à des fins de rejet des eaux usées ;
existence d’un collecteur principal de 6 km inutilisé, car non fonctionnel et de plus en plus dégradé.

Dans ces conditions précaires, les conséquences sur l’environnement ne se sont pas fait attendre, se traduisant par :

la dégradation de la palmeraie ;
les pertes de nombreux jardins, produisant localement un paysage de désolation, alors qu’il était encore verdoyant il y a quelques années.

Dans certaines de ses parties, l’oasis se meurt à vue d’œil.

2.4.2. Le problème de l’assainissement solide

La collecte des ordures s’effectue par camions de la municipalité. L’évacuation se fait dans la décharge publique, située à 3 km de la ville, ce qui ne manque pas d’avoir des conséquences néfastes sur l’oasis, notamment :

au moment de la calcination des ordures, les fumées nauséabondes retournent sur Figuig qui se trouve en position de cuvette ;

des déchets légers reviennent à Figuig transportés par les vents, notamment les sacs en plastique et autres produits qui envahissent la ville et en enlaidissent le paysage.

3. Stratégie d’aménagement et projets de développement

 

3.1. L’alimentation en eau

Dans l’hypothèse de la mise en œuvre des projets de développement, on pourrait admettre deux tendances concernant la demande en eau potable: la première calculée sur la base du niveau de consommation actuelle, qui se situe autour de 80 litres par jour et par habitant, alors que la seconde se réfère à une augmentation de cette consommation, générée par le développement de nouvelles activités économiques, notamment le tourisme, ce qui porterait la dotation moyenne au niveau de 100 à 120 litres par jour et par habitant à l’horizon 2025, soit un volume qui tendra vers 0,8 à 1 million de m3 par an pour l’AEP.

Prévisions de la demande annuelle en AEP pour Figuig

 
Année    Besoins en milliers de m3 /an (dotation moyenne 80 litres / jour / habitant)    Besoins en milliers de m3 /an (dotation moyenne 100 à 120 litres / jour / habitant)      
2000    440    550-660      
2005    455    565-680      
2010    470    585-700      
2015    500    600-720      
2020    525    620-750      
2025    555    695-830     
Source : Élaboration Edesa

Pour l’irrigation, la consommation actuelle se situe à près de 200 litres/seconde.

A l’avenir, l’agriculture devra se contenter d’une quantité d’eau nettement plus réduite, à la fois en raison de la raréfaction continue de la ressource par effet d’aridification du climat, d’un côté, et de la compétition qui sera de plus en plus tangible pour l’eau de la part des consommations domestique et économique, de l’autre.

Si l’on veut satisfaire l’ensemble de ces demandes, tout en restant au niveau des consommations actuelles, il faudra assurer la fourniture de quelque 7 millions de m3/an vers 2020-2025. La possibilité de disponibiliser cet important volume d’eau n’est pas tout à fait certaine dans une localisation aussi particulière que celle de Figuig.

Autrement dit, il est impératif de repenser fondamentalement la question hydrique et tout particulièrement au niveau de l’irrigation dont les systèmes doivent subir des redressements radicaux, sachant que c’est là ou se font plus des 9/10 de la consommation actuelle, ce qui est tout à fait aberrant.

Il va donc sans dire que toute la stratégie de développement économique et socio-culturel, et toute politique d’aménagement de l’espace de Figuig passent nécessairement par la mise à disponibilité de l’eau nécessaire en quantité suffisante et en qualité appropriée. Sachant que les ressources locales sont limitées et se trouvent en diminution critique, la disponibilisation de cette ressource vitale ne pourra se faire essentiellement que par une économie draconienne de l’eau axée sur :

la mise en place de dispositifs performants pour recueillir les eaux pluviales occasionnelles, aussi rares soient-elles, mais qui peuvent parfois apporter des quantités appréciables et particulièrement précieuses ;

la lutte sans merci contre toutes les formes de gaspillage d’eau à la fois au niveau du réseau de distribution de l’eau potable, mais surtout au niveau des systèmes d’irrigation, l’un et l’autre réseaux se trouvant, le plus souvent, dans un état défectueux lié à la vétusté ou à la dégradation des canalisations et des installations. La réfection de ces réseaux est donc tout à fait vitale pour économiser la ressource hydrique ;

l’encouragement des agriculteurs à adopter de plus en plus les systèmes d’irrigation économes. Lorsque la taille de l’exploitation le permet et les moyens matériels l’autorisent, la reconversion au système d’irrigation localisée, au lieu du gravitaire, est tout à fait recommandée. Pour cela, une assistance matérielle et technique concrète devra être accordée aux agriculteurs. La part de l’agriculture en matière de consommation d’eau devra diminuer ainsi dans des proportions importantes pour se maintenir aux environs de 70-75% au lieu de 90% aujourd’hui, afin de pouvoir dégager des tranches appréciables pour les consommations économiques (notamment le tourisme) et domestiques appelées à augmenter de manière sensible au cours des prochaines décennies ;

l’écartement de toutes les activités et les cultures trop consommatrices d’eau pour opter vers d’autres moins avides d’eau. Cela nécessite, donc, parallèlement à la réforme des techniques d’irrigation, l’adoption de nouvelles spéculations agricoles, dans un contexte de modernisation et d’efficacité ;

le traitement (voire retraitement) de l’eau, en vue de sa réutilisation, à travers les techniques appropriées de pluri-recyclage.

Dans le même ordre d’idées et pour appuyer toutes ces mesures d’ordre technique, il est nécessaire de concevoir une politique de sensibilisation intelligente et multiforme en matière d’économie de consommation d’eau, auprès des populations et des divers acteurs économiques, ceci sans exclure, bien sûr, la recherche d’autres sources d’alimentation proches et lointaines. Dans ce sens, il convient de réaliser de petits barrages collinaires sur les oueds et ravins qui dévalent les hauteurs environnantes et de réhabiliter les différentes sources. A ce titre, il faut insister sur l’urgence de construire le barrage de Sfissif qui pourra collecter une bonne partie des eaux qui tombent occasionnellement sur le Jbel Maïz et Amour notamment.

La supervision et l’instrumentation de cette politique de l’eau impliquent logiquement l’instauration d’une structure communautaire émanant des diverses collectivités en place, (jmaâs des qsour, ONGs, sages et notables locaux, ainsi que des techniciens des organismes et départements concernés…).

Cette structure devra avoir pour mission de veiller à la coordination des utilisations actuelles de l’eau, des travaux de réfection, de réaménagements et de maintenance des systèmes d’irrigation, l’évaluation des ressources et des besoins, la lutte contre les formes de gaspillage et de pollution de l’eau et l’arbitrage en matière d’affectation des ressources hydriques entre les différents consommateurs actuels et potentiels, avec la charge de régler les litiges qui apparaissent entre utilisateurs de l’eau et le souci d’encourager les agriculteurs à recourir aux nouvelles techniques d’irrigation.

Pour remplir cette tâche multidimensionnelle et délicate, cette institution (pouvant être dénommée Assemblée Locale de l’Eau) devra disposer de moyens humains, techniques et informatiques appropriés pour lui permettre d’assurer la gestion de l’épineuse et complexe question hydrique à Figuig. C’est grâce à ces moyens que cette institution pourra disposer d’un tableau de bord qui fait état des ressources disponibles en eau et de leurs affectations optimales possibles dans différents domaines d’aménagement et de développement.

3.2. L’assainissement

 

3.2.1. L’assainissement liquide

Le nœud de la question de l’assainissement à Figuig est le fait de la cohabitation, sur un espace fort réduit, de deux réseaux de distribution d’eau, l’un pour l’irrigation et l’autre pour l’alimentation en eau potable. Or, pour satisfaire ces deux types de demandes, on a besoin de plus en plus  de prélever par pompage dans une nappe qui est continuellement polluée par les eaux usées du fait de l’absence d’un réseau d’assainissement moderne et opérationnel, et de la dégradation presque complète de l’ancien.

Dans ces  conditions, les impératifs d’hygiène recommandent l’installation d’un réseau d’assainissement en bonne et due forme, afin d’éliminer les sources de nuisances et de pollution que représentent les innombrables puits perdus et fosses plus ou moins «septiques».

L’étude du plan  d’assainissement, actuellement en cours, devra être opérationnelle dans les plus brefs délais, afin de passer immédiatement à la réalisation technique de ce projet vital pour la ville et pour l’agriculture. Le complément logique de cet équipement est l’installation d’une unité de traitement des eaux usées qui permettra à la fois d’assainir ces eaux et de permettre de les réutiliser dans l’irrigation, dans le nettoiement de la voirie, dans le bâtiment, dans l’arrosage, etc.

L’oasis et la ville bénéficieront ainsi d’une nouvelle source d’eau hautement précieuse dans ce milieu désertique, excentrique et isolé.

3.2.2. L’assainissement solide

Le caractère éclaté de l’habitat en sept grands qsour et une multitude de noyaux épars à l’intérieur de la palmeraie obligent à étudier et à mettre en place un système approprié pour le ramassage des ordures et déchets solides, en dotant chaque grande unité d’habitat d’aires de collecte bien localisées, d’une part, et aménager une décharge municipale, à l’écart non seulement du tissu urbain, mais aussi des points de risques de pollution de la nappe et des canaux d’irrigation.

Il est impératif que cette décharge publique bénéficie d’un site protégé, par rapport aux vents dominants et qu’elle soit dotée d’une unité de traitement des ordures ménagères à des fins de production de fertilisants dont l’intensification de l’agriculture oasienne à grandement besoin.

3.3. L’urbanisme et l’habitat

Dans ce domaine, Figuig est en proie à deux problèmes graves qui évoluent de manière concomitante, menant l’un et l’autre à dénaturer l’oasis et à lui faire perdre son cachet original d’antan :

l’envahissement rapide des terres agricoles par un habitat en béton, parfois regroupé mais aussi dispersé, le tout constituant un véritable chancre qui ronge continuellement la palmeraie de l’intérieur et sur ses abords,

l’abandon continu des qsour par leurs anciens résidents, ce qui en entraîne une dégradation insidieuse, atteignant dans certains cas des situations quasi irréversibles, non seulement des locaux abandonnés, mais aussi des constructions mitoyennes.
 
Étant donné l’impact de ces deux problèmes aussi graves l’un que l’autre, puisque la menace pèse à la fois sur le passé de la ville (la mémoire de l’oasis et d’une grande partie de l’Oriental) et sur son avenir, il est essentiel de disposer, au plus tôt, de deux documents d’urbanisme et d’architecture complémentaires pour sauver une situation de plus en plus problématique, à savoir :

·    Un plan d’aménagement original qui s’inscrit dans la logique de l’économie, de la vie et des valeurs oasiennes, et plus particulièrement d’une oasis frontalière isolée et d’une dimension nationale et internationale reconnue.

Ce plan d’aménagement spécifique ne doit, en aucun cas, être établi selon les normes souvent banales ou stéréotypées en vigueur, mais plutôt élaboré par des experts qui ont une connaissance intime de l’architecture des qsour et de la culture oasienne au Maroc, en général, et de Figuig en particulier. Dans ce sens, il devra tenir compte des  éléments  essentiels suivants :

sauvegarder l’espace agricole qui doit être déclaré zone non aedificandi, et circonscrire l’espace à construire sur les sites non cultivables;

tenir compte des réseaux d’irrigation traditionnelle ;

concevoir une voirie aussi économe de l’espace que possible, tout en reliant les différentes composantes de l’agglomération qui comprend 7 grands qsour et plusieurs îlots dispersés;

imposer des normes et des formes architecturales adaptées à l’environnement oasien, avec la nécessité d’utiliser les matériaux traditionnels de construction ;

résorber le sous-habitat et l’habitat non réglementaire ;

délimiter les espaces à lotir et les règlements de lotissement dans l’oasis.

·    Le plan de sauvegarde et de réhabilitation du patrimoine architectural

Les qsour de Figuig sont le produit cumulé de plusieurs siècles de civilisation et de vie oasienne, témoignant d’un passé prestigieux et d’une activité économique et culturelle jadis intense.

L’abandon d’une bonne partie de cet habitat par ses résidents, soit par émigration en dehors de l’oasis, soit à la recherche de logements récents, construits au sein de celle-ci, expose les qsour à un processus de dégradation progressive, allant souvent jusqu’à la ruine.

Cette situation tout à fait déplorable et alarmante appelle la conception, l’élaboration et la mise en œuvre d’un véritable plan de sauvetage destiné à réhabiliter et à sauvegarder un patrimoine architectural millénaire non reproductible, qui se trouve en danger de disparition. Il s’agit là d’une mission de portée nationale qui devra sans doute militer dans le sens de déclarer Figuig en tant que Patrimoine National voire même Universel. L’appel à la contribution de compétences et de mécènes nationaux, principalement figuiguis, est tout à fait indispensable.

Le recours à l’action des associations locales est absolument nécessaire afin de sauver ce qui peut l’être encore, réhabiliter l’essentiel afin de pérenniser un héritage inestimable. La reconversion d’une partie de cet héritage au moyen d’un tourisme culturel est souhaitable, à condition d’éviter de tomber dans le culturel dépravant le patrimoine, comme cela se pratique ailleurs. Ni la taille de l’oasis, ni les coutumes et les valeurs culturelles de ses habitants ne permettent une telle déviation.

3.4. Les secteurs économiques

 

3.4.1. L’agriculture

Les activités agricoles se trouvent, à Figuig, en confrontation avec trois facteurs contraignants, sinon même négatifs. Il s’agit, d’abord, de la diminution drastique de l’eau d’irrigation, ce qui condamne une bonne partie de la palmeraie à rester en friche; ensuite, de la poussée de l’urbanisation qui se fait sans planification et sans maîtrise; et enfin, des prélèvements de sols effectués tant par la désertification que par les conséquences de la localisation extrême frontalière de l’oasis.

Devant cette régression de l’espace cultivé, la solution qui s’impose pour garder une production agricole viable est à la fois la pratique de cultures à hauts rendements et à meilleure rentabilité, d’un côté,  et la protection des exploitations agricoles contre les facteurs de leur destruction, de l’autre. Ceci va, bien sûr, en parallèle avec la rationalisation de l’utilisation de l’eau.

Cette démarche restera lettre morte si on ne procéde pas à des aménagements fonciers, afin de délimiter l’espace à vocation agricole, qu’il faudra protéger contre toute atteinte (urbanisation sauvage, salinisation, pollution, avancée du désert et surémiettement des exploitations). Là aussi, l’approche communautaire est requise par le biais de « l’Assemblée Locale de l’Eau » précitée, qui devra avoir également pour attribution d’apurer la question foncière et de proposer des solutions collectives d’utilisation du sol, étant donné les liens ombilicaux qui existent entre l’eau et la terre dans cette «oasis de l’extrême».

Parallèlement à ces actions à mener au niveau de la gestion de l’eau et de la protection des sols, l’oasis nécessite une rénovation tout aussi vigoureuse de la palmeraie comprenant :

un programme d’envergure pour la lutte contre les maladies cryptogamiques, en particulier le bayoud, qui ravage une bonne partie des palmiers;

un plan de rajeunissement des palmiers pour introduire des espèces résistantes au bayoud, ayant un rendement élevé et procurant des variétés de dattes prisées sur le marché national ou international;

une stratégie de diversification du verger avec l’introduction de variétés fruitières adaptées au milieu et en prévision de la création d’une petite agro-industrie afin de valoriser les produits locaux;

le développement des cultures maraîchères sur les exploitations encore vouées aux céréales, afin de couvrir une bonne partie de la demande locale en légumes frais, voire même en expédier vers Bouarfa;

le développement de l’élevage bovin en stabulation qui nécessite la pratique de cultures fourragères peu consommatrices d’eau. Ceci demandera sans doute aussi l’encouragement des agro-éleveurs par la fourniture d’aliments du bétail à des prix abordables. L’amélioration de l’élevage dans l’oasis nécessite également l’encadrement des éleveurs et l’installation de services vétérinaires adéquats;

l’encouragement de petites unités de traitement des produits de l’agriculture (dattes, fruits, légumes) et de l’élevage (lait et peau) ;

la valorisation des sous-produits agricoles.

3.4.2. Le tourisme

Le tourisme représente une réelle activité d’avenir pour Figuig, qui se trouve dans une localisation d’étape fort intéressante sur l’itinéraire touristique saharien qui pourra relier les oasis du Draâ à celles du Gourara en Algérie en passant par le Tafilalt.

La promotion et le développement de ce grand axe touristique maghrébin potentiel est tributaire de facteurs liés à « la question du Sahara ». Dans cette perspective, Figuig pourrait bénéficier de flux touristiques non négligeables, de nature à relancer l’économie et à générer des services particuliers.

Quant au tourisme national, son développement nécessite deux séries d’activités : les unes propres à l’oasis ; les autres relevant du tourisme national, voire international.

Au niveau de l’oasis même

La promotion de l’activité touristique requiert des actions multiples et complémentaires, destinées à faire de Figuig un environnement attractif, capable d’intéresser une clientèle venant de très loin, à savoir :

–    la mise en œuvre des plans d’aménagement urbain, d’assainissement, de circulation…;
–    l’alimentation suffisante en eau potable de qualité irréprochable;
–    la restauration et la réhabilitation des qsour, avec des refonctionnalisations intelligentes, parmi lesquelles celle d’accueil et d’animation touristiques;
–    l’aménagement de circuits touristiques bien étudiés à l’intérieur de l’oasis et ses environs;
–    la promotion de l’artisanat d’art qui reflète le génie local;
–    l’organisation, de façon adaptée des installations de cure par le sable ou ce que l’on pourrait désigner par «psammothérapie»;
–    la sensibilisation de la population pour adhérer et s’intégrer dans ce processus;
–    la formation de personnel spécialisé dans le tourisme oasien (guides d’oasis, personnel d’accueil…);
–    la mise en place d’une structure organisationnelle en la matière, réunissant les divers partenaires concernés (administration, professionnels, ONGs);
–    l’organisation d’un festival touristique culturel propre à Figuig.

L’ensemble de ces actions doivent viser la qualification technique et organisationnelle de Figuig comme pôle touristique, par la valorisation de ses atouts à la fois physiques, humains et culturels.

Au niveau national et international

La politique de développement du tourisme demande à ce niveau :

–    l’intégration de Figuig dans les programmes de promotion touristique oasienne, à côté de la vallée du Draâ, du Haut Atlas méridional et du Tafilalt. Les sociétés de transport de voyageurs et les tours operators  pourraient être intéressés par des conditions préférentielles pour les amener à contribuer à inscrire Figuig sur la liste des produits et des destinations qu’elles offrent;

–    l’incorporation de Figuig dans les programmes de tourisme culturel au profit des visiteurs que devra attirer l’aménagement du littoral balnéaire de Saïdia et des espaces touristiques de montagne (Bni Znassene, Kabdana, Chaîne des Horsts);

–    l’éventualité d’ouvrir, à terme (2010-2015), une liaison aérienne (par petits charters) entre Bouarfa et Oujda, d’un côté, Bouarfa et Arrachidia, de l’autre.

3.4.3. L’artisanat et la petite industrie

La promotion de ce secteur est amplement profitable pour Figuig à plusieurs titres :

–    relancer un artisanat diversifié et original que la localisation géographique particulière de l’oasis, en tant qu’étape commerciale et foyer culturel anciens, a permis le développement depuis des siècles, mais que l’évolution récente a pratiquement dévalorisé;

–    donner à la cité-oasis des activités nouvelles capables de promouvoir l’emploi et de valoriser des produits agricoles ou naturels divers et, par là, bénéficier de ressources financières appréciables pour plusieurs ménages;

–    appuyer le tourisme en lui procurant des articles locaux.

Les branches dans lesquelles l’activité artisanale trouvera des conditions favorables pour son essor, sont les suivantes :

–    le travail de la laine : le tissage axé sur la production d’articles utilitaires dans l’habillement et dans l’équipement domestique. La disponibilité relativement proche de la matière première, dans une région d’élevage ovin, et l’expérience pluriséculaire de la population dans ce domaine, représentent des atouts formidables à cet égard. Cette activité est encore bien vivace, mais nécessite tout un plan de revification et de dynamisation appropriées, d’autant plus qu’elle peut procurer des revenus non négligeables aux ménages, et notamment aux femmes ;

–    les activités liées au bâtiment (menuiserie, ferronnerie, mosaïque, plâtre, carrelage, briqueterie, etc);

–    la ferronnerie artistique, pour appuyer une unité performante qui existe déjà.

A cet effet, les actions suivantes sont à entreprendre :

–    création d’un centre de formation professionnelle dans les filières artisanales,
–    création d’une petite unité de tannage,
–    création d’un centre de collecte de laine avec dépôt de stockage,
–    création d’une unité de filature de laine,
–    Appui de la constitution de coopératives de production, de services et de commercialisation.

Concernant la petite industrie, certaines branches peuvent s’avérer bien porteuses, sans pour autant polluer l’oasis par leurs activités:

L’agro-alimentaire

–    Cette branche devra s’appuyer sur des unités de valorisation des produits maraîchers, fruitiers et laitiers de l’oasis; le conditionnement des dattes dont la production pourra augmenter avec la restructuration de la palmeraie ; conservation de fruits,  des  olives, etc…;

–    De petites unités de production de dérivés du lait (yaourt, fromage, beurre, petit lait…), appuyée sur le développement de l’élevage bovin dans la palmeraie et dans les secteurs irrigués qui apparaissent à sa périphérie ;

–    Unité de production d’emballage à caractère biologique.

Les matériaux de construction

Afin de répondre à la demande locale du mouvement de construction, d’une part, et de mettre à la disposition de l’action de restauration et de réhabilitation des qsour, les matériaux nécessaires, d’autre part, on devra encourager de petites unités à s’installer, pour fabriquer les produits adéquats (briques, agglomérés, chaux, mosaïque, zellige…).

3.5. Sur le plan socio-culturel

Si Figuig a bénéficié d’un effort louable en matière de scolarisation et dispose ainsi d’équipements relativement acceptables, il en va autrement pour la formation professionnelle qui nécessite d’être consolidée en mettant l’accent sur des filières porteuses, qui doivent sous-tendre le mouvement de renaissance souhaité pour la cité-oasis et la mettre en phase avec les innovations connues en la matière.

Sur le plan culturel, la sauvegarde du patrimoine oasien mérite des actions particulières afin de revitaliser le mouvement de production intellectuelle et artistique et sauvegarder des traditions de plus en plus menacées.

A cette fin, il est nécessaire de préconiser les projets suivants :

–    institutionnaliser un festival des arts et de la culture à Figuig;

–    construire une maison de la culture au sein d’un qsar (qui reste à identifier) ayant bénéficié d’une action de réhabilitation appropriée. Cette maison de la culture devra abriter, entre autres, la bibliothèque de la ville et de la sous-région, nourrie par les manuscrits appartenant aux familles, aux zaouias et aux mosquées, afin de les traiter et de procéder  à leur valorisation;

–    créer un musée des arts et métiers et de la culture oasienne;

–    appuyer l’ouverture de l’oasis sur le monde extérieur, par les technologies modernes de communication et d’information (NTIC) ;

–    Entretenir les monuments commémoratifs des faits historiques essentiels, vécus par l’oasis et sa région.

Conclusion

Figuig constitue indéniablement un espace de projets tout à fait particulier au niveau national. Son développement requiert de ce fait une attention particulière et un appui de la part de la Nation tout entière, puisqu’il s’agit d’un patrimoine marocain qui se trouve en situation de poste avancé du territoire national.

A ce double titre, patrimonial et géostratégique, le développement de Figuig interpelle un ensemble de forces à la fois locales,  régionales et nationales et appelle la mise à contribution de moyens humains et financiers à la hauteur de la tâche

Si l’Etat est convaincu du bien fondé de cette mission, la Région devrait en faire une priorité afin de mobiliser les compétences et les fonds nécessaires indispensables pour mener à bien cette entreprise estimée de dimension nationale.

Ces compétences et ces moyens sont potentiellement disponibles tant à travers le pays qu’à l’étranger, représentées notamment par l’importante « diaspora » figuigui qui a une présence bien remarquée au niveau économique dans la plupart des grandes villes marocaines, et dont la participation est bien tangible dans les domaines culturel et politique.

Il y va de la pérennité d’un Ribat tenace du territoire marocain dans le Sahara intérieur où le Maroc a perdu des immensités justement par l’absence d’agglomérations ancrées dans l’espace et qui balisent concrètement les frontières du territoire national pour en témoigner de son extension et en assurer la pérennité.

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