Nador : L’espace de projets du Massif des Kabdana
L’espace de projets du Massif des Kabdana
1. Caractéristiques générales
1.1. Eléments de base
Sur le plan administratif
Cet espace est composé de quatre communes rurales, situées à l’extrême nord-est de la province de Nador, qui sont Oulad Daoud Zkhanine, vers l’intérieur, et Arekmane (sauf le centre de Qaria appartenant à la conurbation de Nador-Mlilia), Al Barkaniyine et Ras Al Ma (sauf le centre) dont la frange littorale compose l’aile occidentale de l’espace de projets Saïdia-Ras Al Ma, précédemment présenté.
Sur le plan physique
Il s’agit essentiellement d’un môle à caractère montagneux, mais dont l’altitude se maintient entre 700 et 900 mètres dans ses parties élevées. Ce massif compact se dresse entre le littoral méditerranéen, au nord, et les plaines de la basse Moulouya, au Sud.
Il représente une nette dissymétrie topographique entre sa façade septentrionale, où les pentes sont relativement modérées et sa façade méridionale, aux pentes plus abruptes. Cette dissymétrie se retrouve au niveau climatique, dans la mesure où le versant nord est relativement plus arrosé et bénéficie, donc, d’un couvert végétal naturel un peu plus fourni, et le versant sud, en position d’abri, à caractère assez aride.
Sur le plan humain
C’est la zone de peuplement des collectivités Kabdana, anciennement installées et pratiquant une agriculture globalement extensive. L’ancienneté du peuplement et de la pression démographique continue au cours de longues décennies expliquent, dans une large mesure, la dégradation du couvert végétal et des sols, sous l’effet des défrichements et de l’exploitation agricole.
Cet espace est exclusivement rural. Les rares centres urbains proches se trouvent sur les marges du massif, tant sur le littoral méditerranéen, (Ras Al Ma et Qariat Arekmane) que sur le versant sud (Zaïo).
1.2. Perspectives démographiques
Au cours de la dernière période intercensitaire, 1982-1994, l’effectif net de population du massif des Kabdana a perdu plus de 6000 personnes, en plus du croît naturel ; ce qui signifie que la montagne des Kabdana est frappée par une véritable hémorragie démographique qui risque d’aboutir, à terme, à un dépeuplement fort exagéré. Si un tel allégement de la pression humaine est souhaitable jusqu’à une certaine limite, cela pourrait toutefois s’avérer néfaste si la déprise humaine dépassait un seuil critique, pouvant entraîner l’abandon des terres cultivées, des établissements humains et des aménagements agraires.
Tenant compte des tendances d’évolution démographique constatées jusqu’ici, d’une part, et considérant qu’une diminution de la population est, sans doute, bénéfique, vu les potentialités productives limitées du milieu et le phénomène de « perfusion » effectué par les transferts monétaires MRE sur le peuplement actuel, les perspectives démographiques établies donnent lieu aux estimations suivantes, pour les deux décennies à venir :
Evolution attendue de la population du massif des Kabdana
Année 2000 2005 2010 2015 2020 2025
Population 27 000 24 000 21 000 19 000 16 000 14 000
Ainsi, il faut s’attendre à ce que la population de ce massif, à l’horizon 2025, ne représentera plus que la moitié de l’effectif actuel, ceci bien entendu dans le cas où des actions d’aménagement viendraient tempérer l’hémorragie démographique enclenchée avec vigueur au cours des années 80, afin de maintenir là un volume de population acceptable, mais indispensable à la durabilité du développement socio-économique local.
1.3. Problèmes dominants
La gravité des problèmes économiques et sociaux du massif des Kabdana se traduit bien dans l’intensité de l’émigration. Or celle-ci, comme dans la plupart des milieux similaires, concerne d’abord les jeunes en plein âge d’activité, qui peuvent dynamiser l’économie de la zone.
Cette émigration massive est animée par le niveau de pauvreté accentué de la population, qui est, à son tour, sous-tendu par plusieurs facteurs défavorables, dont les plus agissants sont :
la médiocrité de la production agricole locale, constituée par une céréaliculture fort extensive et un petit élevage familial;
le manque d’eau potable et des équipements de base;
l’enclavement accentué du massif, en raison de la rareté des voies de communication à l’intérieur de la zone et des difficultés des relations de transport avec les espaces extérieurs ;
enfin, l’absence de centres urbains locaux pouvant offrir les services socio-éducatifs et administratifs nécessaires aux populations.
Ainsi, économiquement et socialement parlant, le massif des Kabdana se trouve dans une situation de grande dépendance vis-à-vis de l’extérieur, aussi bien pour ce qui est des services de base que pour ce qui touche aux revenus des ménages. Les effets conjugués de ces divers déficits et insuffisances, constituent un facteur d’expulsion, et ce malgré le puissant attachement des populations à leur terroir.
Heureusement, la gravité de ces facteurs se trouve relativement atténuée en raison de l’importance des transferts de l’émigration dont bénéficie la population. Aussi, toute détérioration plus accentuée du milieu naturel et toute réduction des précieux apports financiers de l’émigration seraient de nature à accélérer la déprise humaine dans ces hautes terres ingrates et, du coup, en hâter le dépeuplement et le « déménagement » territorial.
2. Stratégie d’aménagement et de développement
Depuis longtemps, la montagne des Kabdana est en train de perdre insidieusement l’essentiel de sa substance : la terre, le couvert végétal et les hommes. Comparé aux espaces qui l’entourent, qui se distinguent par un certain dynamisme économique et leur vitalité démographique remarquable, et possédant plusieurs atouts qui, une fois bien valorisés, leur permettront de mieux s’intégrer dans l’économie nationale et dans le contexte méditerranéen, le massif des Kabdana, en perte de vitesse continue, représente une zone de plus en plus déprimée sur les plans économique et social.
En conséquence, des actions appropriées et énergiques, en matière de développement et d’aménagement, sont impérativement et instamment requises, afin de consolider ce faible « maillon de la chaîne » de l’espace de la Basse Moulouya et du littoral méditerranéen, espace qui devra, de plus en plus, jouer le rôle de moteur économique au sein de l’ensemble de la Région de l’Oriental, en synergie avec les deux pôles d’Oujda et de la conurbation de Nador-Mlilia.
Constituant un milieu naturel et humain à part, le massif des Kabdana nécessite donc un plan de sauvetage spécifique, en vue de le doter de fonctions propres, susceptibles d’assurer son intégration dans l’ensemble sous-régional auquel il appartient.
2.1. Le Plan de Sauvetage du massif des Kabdana (PSK)
S’agissant d’un milieu particulièrement vulnérable, profondément meurtri par la déstabilisation multiforme de son écosystème, les monts des Kabdana nécessitent une vaste opération de reboisement pour reconstituer la végétation, protéger les sols et créer un environnement moins aride et plus attrayant. Cette opération de revitalisation, tout à fait indispensable, doit bien prendre en compte la présence des collectivités humaines et des aménagements agricoles locaux. Toutefois, cette opération, qui peut être favorisée par la baisse des densités démographiques, ne pourra être couronnée de succès que si elle remporte l’adhésion totale des populations en place et bénéficie de leur effort participatif le plus volontaire.
Dans cette optique, il est nécessaire d’adopter une approche originale qui prend en compte les desiderata de la population, pour qu’elle adopte le projet, l’intègre dans son économie et le prenne en charge, afin d’en assurer la durabilité ; car il s’agit d’une action de longue haleine qui requiert la participation continue et sans réserve de tous. Autrement dit, un grand effort de préparation et de sensibilisation des populations doit être mené, mettant l’accent sur le fait que le devenir de la zone est largement dépendant de la réussite de l’entreprise de reboisement, et que la base économique future de la zone en est fortement tributaire.
Cette stratégie de réhabilitation du milieu naturel devra judicieusement mettre en équation les impératifs de défense et de restauration des sols, en procédant à la plantation d’essences forestières, bonnes protectrices de la terre (mais dont le produit n’est pas toujours évident pour les populations, au moins à court et à moyen termes), d’un côté, et à l’extension d’arbres fruitiers (oliviers et amandiers notamment) assurant des revenus aux populations concernées à termes plus rapprochés, de l’autre.
2.2. Les fonctions économiques
Parallèlement à ces actions de fond, destinées à protéger et à réhabiliter le milieu naturel, d’autres actions sont nécessaires en vue d’asseoir, dans la zone, une économie capable de maintenir un minimum de population sur place et d’intégrer cet espace dans l’effort de développement et d’aménagement global de la Basse Moulouya, en particulier, et de la Région de l’Oriental, en général, et ce, conformément aux options du SDAR.
2.2.1. La promotion du tourisme écologique
La fonction principale que pourrait remplir cet espace de projets pour l’avenir est celle d’un tourisme de dépaysement, de repos et de «destressement», activité qui pourrait trouver sa clientèle aussi bien au plan régional, qu’aux niveaux national et international.
En effet, la position du massif des Kabdana le prédestine, en quelque sorte, à cette vocation, dans la mesure où il occupe une position centrale par rapport aux zones fortement peuplées de la Basse Moulouya, qui seront de plus en plus caractérisées par le développement d’une économie agricole et agro-industrielle modernes et qui connaîtront une urbanisation de plus en plus accélérée. Le massif bénéficie également de sa localisation attenante, d’un côté, à la grande conurbation de Nador–Mlilia et aux villes des périmètres irrigués, notamment Barkane, qui représentent une clientèle potentielle importante, d’un côté, et au littoral balnéaire promis à un développement d’envergure à caractère international, de l’autre.
Enfin, dans cette perspective, les facteurs locaux qui, jusque là ont représenté des handicaps pour le massif des Kabdana (enclavement, diminution de la population, absence d’urbanisation…), pourraient se changer en véritables atouts, si les mesures nécessaires venaient à être prises dans le sens de faire de cette montagne un espace de récréation, de détente et de quiétude de plus en plus recherchées par les populations urbaines régionales et marocaines, et par les touristes des pays industrialisés (stations de Saïdia et de Ras Al Ma). L’aménagement de la route côtière, contiguë au massif, est un atout de taille dans ce domaine.
Cet espace devra donc être aménagé en conséquence, afin de lui garder un caractère rustique et champêtre, avec des équipements relativement légers au niveau de l’infrastructure routière interne au massif, permettant aux touristes une accessibilité aisée, sans pour autant ouvrir la zone à une circulation et un trafic pouvant porter préjudice au calme et au dépaysement recherchés. Aussi, il faut aménager des aires de repos et de pique-nique, des lieux de camping légers, des pistes pour des randonnées pédestres et équestres, le tout susceptibles de faire de cette montagnette un parc attrayant.
Dans le sens de favoriser le tourisme de montagne et de lutter contre la dégradation des ressources naturelles, il convient de mener également des actions de reboisement et d’aménagement de l’espace forestier du massif, et ce en :
étudiant les possibilités de mise en défens selon l’importance des espèces forestières,
réhabilitant et aménageant les pistes rurales et forestières.
L’essentiel de ces aménagements doit se situer dans un cadre naturel approprié, d’où la nécessité de créer là un parc naturel qui sera organisé à partir des aires reboisées. A cet effet, il conviendrait de mettre en place un centre de formation professionnelle en éco-tourisme.
Le développement du secteur touristique dans cet espace devra aussi s’appuyer sur l’aménagement des sites propices qu’offre le littoral méditerranéen. Il est vrai que, à l’inverse du littoral Est, de Ras Al Ma à Saïdia, qui bénéficie d’un linéaire de plage très étendu et de bonne qualité, la côte du massif des Kabdana est souvent rocheuse et escarpée puisque la montagne vient tomber directement dans la mer. Cela donne une littoral beaucoup plus difficile à aménager, tant pour le tourisme que pour la pêche.
Toutefois, une formidable opportunité sera bientôt permise par l’amélioration de la route côtière (aujourd’hui en très mauvaise état) qui relie Ras Al Ma à Nador, ceci dans le cadre de la construction de la Rocade Méditerranéenne. Cette réalisation imminente devra certainement ouvrir ce secteur à l’aménagement balnéaire des quelques sites appropriés, tout en développant l’activité de pêche par l’installation de points de débarquement, notamment à Tikhobay.
2.2.2. L’encouragement d’une agriculture « biologique »
Le développement d’une agriculture et d’un élevage « bio », serait de nature à conforter la vocation de l’économie préconisée pour la zone. En effet, il est tout à fait nécessaire de procéder à la multiplication de petits ouvrages destinés à recueillir et stocker les eaux de pluie et d’écoulement, afin de pratiquer une petite irrigation, pour développer les cultures maraîchères, l’arboriculture, l’élevage, l’apiculture, tout aussi bien à l’intérieur du massif que sur ses marges.
Dans cette orientation, il est également nécessaire de procéder à :
l’apuration de la situation foncière ;
l’encouragement des agriculteurs (particulièrement les jeunes), à travers la distribution de plants d’arbres fruitiers (olivier, abricotier, amandier,…),
la distribution de semences certifiées,
la sensibilisation et la formation pour la bonne gestion des exploitations agricoles,
la réhabilitation et l’aménagement des divers points d’eau (puits, source) pour une meilleure utilisation de l’eau d’irrigation,
l’aménagement des terres de culture (épierrage, défrichement, terrassement…).
Dans le même ordre d’idées, on pourrait envisager d’introduire, dans le parc naturel, une faune sauvage pouvant y constituer un autre atout pour le développement de l’écotourisme.
La préservation du caractère rural de cet espace devra être recherchée par l’encouragement de l’habitat rural, construit à l’aide de matériaux traditionnels de la zone, et non par le recours au béton armé qui dénature et enlaidit le paysage. Dans ces conditions, les agglomérations rurales actuelles devraient bénéficier d’un traitement architectural spécial obéissant à une réglementation spécifique pour leur garder leur cachet local.
Les actions en faveur des populations rurales doivent être précédées par des diagnostics socio-économiques relevant les besoins réels des paysans et leurs priorités. Des contacts avec les populations concernées peuvent déboucher sur des propositions et des projets concrets. La participation des habitants à l’identification de la nature de leurs nécessités est un élément essentiel dans la réussite de tout projet d’aménagement.
Ainsi, il faudrait penser à doter les douars du massif des Kabdana de l’infrastructure viaire et socio-éducative nécessaire, en introduisant de nouveaux services, tout en améliorant ceux qui y existent déjà.
Le développement rural devra faire participer la femme à l’amélioration de sa situation familiale et communautaire. A cet effet, les actions suivantes paraissent recommandées :
création de foyers féminins pour encourager les activités artisanales locales (tapisserie, broderie…),
organisation des femmes dans le cadre de coopératives de production (petit élevage, cuniculture, apiculture, métiers artisanaux…),
lancement de programmes d’alphabétisation dans les douars au profit des jeunes filles et des femmes.
Il est évident que ces efforts de restructuration de l’économie de la zone et de réhabilitation profonde de son environnement, doivent être accompagnés d’actions appropriées destinées à améliorer les conditions de vie des populations, par des projets d’alimentation en eau potable, d’électrification, d’installation de services sociaux (enseignement, formation professionnelle et santé notamment).
La stratégie de développement et d’aménagement du massif des Kabdana nécessite, bien entendu, en plus des actions de sensibilisation auprès des populations, un effort intelligent de prospection et de marketing, auprès des investisseurs potentiels, dont notamment les MRE ainsi que les sociétés de tourisme régionales, nationales et internationales, actions destinées à présenter les atouts qu’offre la zone et les opportunités d’investissement qu’elle permet.
La recherche de nouvelles activités (tourisme) et la restructuration des anciennes (agriculture), sont des voies indispensables à emprunter pour enclencher le processus de développement souhaité dans ce massif montagneux en crise, qui perd ses rares ressources naturelles et sa population la plus active.
C’est ainsi, également, que le problème de l’emploi pourra être, en partie, résorbé, puisque les programmes de reboisement, de plantation, d’aménagement d’ouvrages hydrauliques, de routes et de pistes d’accès, de structures d’accueil pour les visiteurs, d’électrification (solaire), d’adduction d’eau, d’équipements socio-éducatifs et de développement touristique ouvriront de véritables chantiers de travail ; ce qui ne manquera pas de retenir une partie de la jeunesse locale sur place, afin de procéder aux innovations agricoles nécessaires et de faire fonctionner les équipements et aménagements touristiques qui requièrent la présence d’une jeunesse bien formée et entreprenante.
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