Immigration subsaharienne clandestine à Oujda: compassion et indifférence
Immigration subsaharien clandestion à Oujda
Compation et indifférence
De nombreux immigrés subsahariens se trouvent en situation irrégulière dans la région de l’oriental du Maroc et plus particulièrement à Oujda, chef-lieu de la région situé à proximité de la frontière algéro marocaine et à Nador, ville contiguë à Melilla, enclave espagnole au Maroc.
On comprend donc aisément les motivations pour un tel choix. Au fait, par sa position géographique la ville d’Oujda est doublement sollicitée. Elle est la principale porte d’entrée de ces flux migratoires subsahariens. Elle est aussi le principal point d’éloignement des immigrés subsahariens sans papiers arrêtés dans différentes régions du Maroc
Combien sont-ils à Oujda ?
Des ONG sur terrain à Oujda estiment à environ 1000 immigrés subsahariens sans papiers dans la préfecture d’Oujda. Mais, comme le confirment des sources officielles, il est difficile de les recenser car ils sont en mouvement perpétuel entre Oujda, Nador, Béni Nsar, Driouach et El Hoceima pour tenter la traversée maritime ou Rabat pour déposer leur demande d’asile ainsi que d’autres villes du pays où ils pourraient travailler provisoirement sans se faire trop déranger par les services de sécurité.
Etat des lieux ?
Cette communauté d’immigrés sans papiers à Oujda, provenant de plusieurs pays africains via l’Algérie, est-elle visible et perceptible? Est-elle en contact avec les populations locales ? La prend-on en charge ? A-t- elle pu intégrer la société ? Nourrit-elle toujours le rêve initial ayant motivé son émigration ? Quels traitements lui réservent populations locales, société civile et pouvoirs publics?
C’est à ces questions que nous essayons, à travers cette modeste enquête, d’apporter des éléments de réponse. Le but est de mieux informer sur cette problématique complexe qui a fait l’objet de l’atelier « journalisme et migration » organisé à Oujda du lundi 2 au vendredi 6 juillet 2012, par la fondation ORIENT/ OCCIDENT et l’Institut PANOS de Paris en partenariat avec la coopération Suisse.
Ce qu’en pense la population locale
L’échantillon interviewé est composé de femmes et d’hommes, âgés de 19 à 60 ans. Il s’agit d’étudiants marocains et subsahariens en situation régulière, de professeurs (tous cycles d’enseignement confondus), de deux françaises, l’une résidant à Oujda, l’autre à Berkane, de commerçants, de chauffeurs de taxis, de cadres des secteurs public et privé, d’un journaliste, de citoyens lambda ainsi que de nombreux immigrants en situation irrégulière.
Des femmes, seules, enceintes ou accompagnés d’un ou de deux enfants, quémandent aux terrasses de café et restaurants mais souvent aux feux rouges, lieu préférentiel car les véhicules s’y arrêtent.
Selon toutes les personnes interrogées à Oujda, cette communauté d’immigrés subsahariens en situation irrégulière est bien visible et perceptible. Nos interlocuteurs évoquent à peu près les mêmes repères d’identification de cette communauté. Ils sont repérables par la couleur de leur peau et les caractéristiques de leurs traits négroïdes (nez épaté, lèvres charnues …). On peut aussi les reconnaître, font remarquer des interviewés, à leur aspect vestimentaire, leur mobilité dans la ville et en rase de campagne et leurs comportements. Ils sont, souligne Aziz, taxieur, mal habillés ; engoncés dans des habits trop amples ou ils portent des vêtements trop étroits avant de concéder, certains d’entre eux sont étonnement bien habillés pour des gens qui vivent dans des conditions si précaires. Ils fréquentent les mêmes endroits. Des femmes, seules, enceintes ou accompagnés d’un ou de deux enfants, quémandent aux terrasses de café et restaurants mais souvent aux feux rouges, lieu préférentiel car les véhicules s’y arrêtent. Les hommes sillonnent à longueur de journée les principales artères du centre-ville, fréquentent les souks hebdomadaires, ou se positionnent aux heures de prière près de mosquées et de cimetières. Ils s’adressent aux gens en français ou en anglais et parfois avec quelques mots en dialecte marocain. Pour toucher la bonne conscience des citoyens, certains immigrés récitent des parties de versets coraniques ou des hadits, fait remarquer Saida, quinquagénaire. Autre repère. Ils se déplacent en groupes réduits à 2 ou 3 personnes au maximum pour éviter de se faire arrêter par les services d’ordre, explique Nourredine, ingénieur..
Tous mendient pour survivre. Ils n’ont pas d’autres choix; d’autant plus que le marché de l’emploi leur est inaccessible, explique un commerçant qui les reçoit chaque jour dans sa cafeteria, proche de leur camp.
Pour Houcine, journaliste, leur présence dans notre ville est un fardeau additionnel qui vient alourdir le déficit social, mais rétorque-t-il, il faut les aider pour subvenir à leurs besoins les plus immédiats dans l’attente d’une solution efficiente ».
Les entretiens approfondis révèlent à l’unanimité que les populations locales sont sensibles à leurs conditions pénibles, et se montrent compatissantes : « Nous sommes sensibles à leurs souffrances et nous devons les aider » nous déclarent des étudiants marocains et subsahariens. « Je leur donne quelques sous quand ma bourse le permet, , déclare Imad
En effet, tous nos interviewés affirment qu’ils leur donnent souvent de l’argent et de la nourriture et parfois des vêtements.
C’est le cas de Belgharbi, photographe : « Comme le recommande l’islam, je dois les aider »
M.Amara ORL, premier vice-président de la section régionale du croissant Rouge Marocain déclare: « C’est un problème de premier ordre qui nous tient à cœur. D’ailleurs en 2008 nous avons organisé un séminaire international sur le thème de la migration et la région de l’oriental. Notre action consistait à sensibiliser l’opinion publique et à responsabiliser les pouvoirs publics nationaux et internationaux » Et d’ajouter. «Nous avons offert 200 couvertures aux immigrés qui se trouvaient dans la forêt de Sidi Mâafa » Mais, note-t-il, notre action demeure trop insuffisante ».
Houria, administrateur déclare : « Je ne leur donne pas d’argent mais quand ils frappent à ma porte, je leur donne à manger, Hanane, mon amie, poursuit Houria, leur offre le déjeuner de rupture de jeûne pendant tout le mois de ramadan »
Quant à Abdou, contrebandier, il ne cache pas son indifférence. « Au début, je leur donnais de l’argent, plus maintenant! Ils sont nombreux et je les rencontre un peu partout. Je ne peux rien pour eux.
» Méfiante, Souad cadre administratif s’étonne de les avoir vu dormir sous le pont de Oued Nachef. « J’ai peur de les approcher » confie-t-elle.
Même Mustapha, professeur à la retraite, qui nous crache des propos virulents, immodérés et injurieux, nous confie : « En tant que musulman, je dois les aider, mais fait-il remarquer, je donne aux femmes, pas aux hommes. Ils sont paresseux, ils ne veulent pas travailler et cherchent la vie facile. Leur présence me gêne et ils me harcèlent par leur manière de demander l’aumône » Comme solution, il propose : « Il faut les chasser ou créer des camps pour les accueillir »
Dans cet élan de rejet, Bachir même s’il reconnaît qu’il ne peut que les aider compte tenu de leurs conditions difficiles, nous confie qu’il a déménagé à cause d’eux. Ils provoquent beaucoup de nuisances et certains d’entre eux agressent des femmes avant de s’interroger de manière rhétorique « Pourquoi ils sont venus ici, ils ne devraient pas rester dans leur pays et changer la situation ? »Pire encore ! Taieb, RME à la retraite les pointe du doigt : »Ils dérangent trop. Ils restent dans la rue jusqu’à une heure tardive et parlent à haute voix « Certains parmi eux, note-t-il, vendent de la drogue et des boissons alcooliques. « Certaines immigrées, ajoute-t-il, se prostituent « Il faut les refouler », gronde-t-il.
Un haut responsable universitaire, scandalisé, insiste sur l’importance du respect des institutions et de la loi et trouve inadmissible et intolérable que des immigrés en situation irrégulière squattent l’espace universitaire.
Un haut responsable universitaire, scandalisé, insiste sur l’importance du respect des institutions et de la loi et trouve inadmissible et intolérable que des immigrés en situation irrégulière squattent l’espace universitaire.
A mille lieu de cette thèse allant de la méfiance, du désintérêt, de l’indifférence au rejet, C. Mohammed universitaire et L. Mohammed, ex président du centre des recherches des mouvements migratoires maghrébins, soutiennent la dimension humanitaire mais appelle toutes les parties concernées à élaborer et à mettre en oeuvre une politique transparente et efficiente.
C’est aussi l’attitude de Mahmoud, fonctionnaire qui a longtemps travaillé dans le cadre de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale. Il estime nécessaire de les aider pour leur assurer le strict minimum d’une vie humaine décente et suggère «Pour juguler cette problématique épineuse, tous les pays pourvoyeurs, de transit et d’accueil doivent coordonner et harmoniser leurs actions, loin de toute politique politicienne qui relègue la dimension humaine au second plan »
Houat, opérateur économique et notable de la ville qui les aide parfois, estime qu’une solution efficace passe nécessairement par la mise en place d’une politique harmonieuse et coordonnée entre tous les pays du Maghreb à l’instar de la politique initiée par les pays de l’Union Européenne
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Les ONG soutiennent.
Les sections régionales de L’Association Marocaine des Droits de l’Homme et l’Organisation Marocaine des Droits de l’Homme se déploient pour dénoncer tous les mauvais traitements que les sécuritaires et parfois des citoyens font subir à ces immigrés. Ils revendiquent aussi la réhabilitation de cette communauté d’immigrés dans ses droits conformément aux conventions internationales que le Maroc a signées
Le GADEM (groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et des migrants) qui milite pour un « mieux vivre ensemble » les soutient et les accompagne surtout sur le plan juridique tout en mettant l’accent sur le vide juridique et l’absence de décrets d’application. De son côté, l’association MSF à Oujda qui pour mission principale d’apporter les soins de base, leur assure le suivi psychologique et accompagne les femmes de la grossesse jusqu’à l’accouchement. Elle offre aussi des tentes.
Désintérêt.
Au terme de nos investigations, nous avons constaté que la solidarité des populations locales se limite en fin de compte à la charité sans pour autant qu’il y ait une véritable prise de conscience de cette problématique. L’opinion publique n’accorde pas d’intérêt à cette communauté même si tout le monde pressent ces souffrances comme en témoignent les déclarations recueillies
les pouvoirs publics
A ce jour, les pouvoirs publics sont absents. Ils n’ont rien fait pour prendre en charge cette communauté en détresse parce que, selon des responsables qui préfèrent garder l’anonymat, non seulement ces immigrés sont en situation irrégulière mais ils sont sans papiers et donc difficilement identifiables
A ce jour, les pouvoirs publics sont absents. Ils n’ont rien fait pour prendre en charge cette communauté en détresse parce que, selon des responsables qui préfèrent garder l’anonymat, non seulement ces immigrés sont en situation irrégulière mais ils sont sans papiers et donc difficilement identifiables. Par ailleurs, précise notre source, ils ne sont pas tous pacifiques. Les services d’ordre ont arrêté plusieurs immigrés clandestins qui ont commis des crimes tels ceux arrêtés dans la nuit du lundi 8 au mardi 9 juillet 2012 au niveau du tracé frontalier de Melilla ou des migrants ont pris d’assaut le grillage frontalier pour accéder par force dans l’enclave espagnole. Mais, lorsqu’ils ont été repoussés, ils ont violemment attaqué à jets de pierre les services d’ordre marocains, provoquant la mort d’un sergent des Forces Armées Royales.
Ce crime, suite auquel 27 immigrés ont arrêtés et traduits devant la justice, a mobilisé toutes les autorités régionale et provinciale qui se sont rendues sur les lieux.
Un autre responsable, très proche du dossier déclare qu’il ne faut se limiter aux faits isolés et souligne la nécessité d’inscrire la problématique dans un contexte global qui inclut le sécuritaire et l’humanitaire. A vrai dire, les autorités publiques qui adoptent une approche strictement sécuritaire, n’interviennent que, non pas pour les rapatrier, les refouler ou les expulser mais seulement pour les éloigner jusqu’au tracé frontalier avec L’Algérie, point d’entrée au Maroc
A ce jour, les pouvoirs publics sont absents. Ils n’ont rien fait pour prendre en charge cette communauté en détresse parce que, selon des responsables qui préfèrent garder l’anonymat, non seulement ces immigrés sont en situation irrégulière mais ils sont sans papiers et donc difficilement identifiables. Par ailleurs, précise notre source, ils ne sont pas tous pacifiques. Les services d’ordre ont arrêté plusieurs immigrés clandestins qui ont commis des crimes tels ceux arrêtés dans la nuit du lundi 8 au mardi 9 juillet 2012 au niveau du tracé frontalier de Melilla ou des migrants ont pris d’assaut le grillage frontalier pour accéder par force dans l’enclave espagnole. Mais quand ils ont été repoussés, ils ont violemment attaqué à jets de pierre les services d’ordre marocains, provoquant du coup la mort d’un sergent des Forces Armées Royales
Ce crime, suite auquel 27 immigrés ont été arrêtés et traduits devant la justice, a mobilisé toutes les autorités régionale et provinciale qui se sont rendues sur les lieux. Un autre responsable, très proche du dossier déclare qu’il ne faut se limiter aux détails et souligne la nécessité d’occulter la problématique dans un contexte global qui inclut le sécuritaire et l’humanitaire.
A vrai dire, les autorités publiques qui adoptent une approche strictement sécuritaire, n’interviennent que, non pas pour les rapatrier, les refouler ou les expulser mais seulement pour les éloigner jusqu’à la frontière avec L’Algérie, point d’entrée au Maroc.
A vrai dire, les autorités publiques qui adoptent une approche strictement sécuritaire, n’interviennent que, non pas pour les rapatrier, les refouler ou les expulser mais seulement pour les éloigner jusqu’à la frontière avec L’Algérie, point d’entrée au Maroc.
En somme, la problématique des immigrés subsahariens clandestins dans la région de l’oriental du Maroc, est une « patate chaude » que se renvoie les uns aux autres et que personne ne veut regarder en face et la prendre en charge. Tout simplement elle dérange…..
Aussi s’interroge-t-on si ce fléau ne risque pas de faire de ces immigrés, livrés à leur propre sort, pour ne pas dire pourchassés partout, une proie potentiel pour des réseaux de drogue, de prostitution et de terrorisme. Et pour tenter de répondre à ces questions, nous compléterons notre enquête par le points de vue d’immigrés subsahariens sans papiers à Oujda.
2 Comments
On parle de plus en plus sur le site Oujda City de cette présence d’immigrés sub-sahariens. Il faut avouer que le problème est ample et complexe. L’article de M. Zerhoudi en touche certains aspects. On aurait souhaité y lire des cas de vols et d’escroquerie à la nigériane dont sont auteurs certains de ces nouveaux immigrés. A ce titre, une compagne de sensibilisation s’impose auprès des populations locales.
les caractéristiques de leurs traits négroïdes (nez épaté, lèvres charnues …)
votre description est totalement déplacée