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Qui a dit crise politique?

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Au Maroc, la politique n’est pas en crise. Ce sont les institutions politiques qui le sont. Les instruments traditionnels de l’observation de la science politique semblent s’être installés dans un conservatisme méthodologique qui ne leur permet plus d’être sensible

aux évolutions porteuses de sens. Ils continuent de sortir les mêmes discours et les mêmes récits. Les jeunes ne sont plus motivés, la politique n’excite plus, etc. C’est simplement que les nouveaux sens de la politique et les nouvelles manières d’en faire échappent encore à l’étendue de leurs champs visuels et de ceux de leurs méthodes peut-être désuètes.

 

Les partis politiques marocains, à structures relativement simples au départ, se sont complexifiés aussi bien dans leurs discours que dans leurs stratégies, leurs organisations internes, leurs rapports tant avec la concurrence qu’avec leurs adhérents et militants. Une grande partie de cette complexification s’est, toutefois et paradoxalement, faite de manière qu’elle n’a été perçue ni par les premiers concernés ni par les professionnels de l’observation et de l’analyse de la chose politique.

 

Par ailleurs, cette complexification faisant partie des divers processus d’adaptation et d’ajustement aux transformations des environnements internes et externes des formations politiques et des personnes et des groupes de personnes qui s’en sont accaparés la gestion et la prise en charge, elle n’a pas toujours été consciente, donc elle n’a pas été contrôlée ; elle s’est faite à l’insu des personnes et des structures qui modèlent leurs comportements politiques. Si on peut pardonner aux politiques de ne pas avoir vu le déroulement de ces processus prendre le dessus sur eux et sur leurs organisations, car ils en font partie, on aura plus de mal à le faire pour ceux et celles que la société a mandatée pour assurer l’audit et le contrôle de la pratique de la politique, à savoir, les chercheurs, les universitaires et à un certains degré, les personnes des médias, dès lors qu’ils opposent à la société les principes d’impartialité, d’objectivité, d’indépendance et d’autonomie qui exigent d’eux de se garder suffisamment éloignés de la chose qu’ils observent et de maintenir une distance entre eux et leurs sujets de prédilection.

 

L’une des raisons majeures de ce daltonisme politique pourrait être le narcissisme des leaders politiques et le manque de communication, d’échange et de dialogue entre les différentes composantes de la sphère politique. L’importation de comportements tribaux en politique a limité l’accessibilité aux strates supérieures des hiérarchies dédiées aux rejetons des fondateurs et des porteurs de privilèges financiers et économiques. En outre, la distance stratégique que la méthodologie rendrait impérative aux chercheurs et aux analystes serait devenue un isolement, peut-être une arrogance vis-à-vis la réalité des politiques et de la politique.

 

Ce qui n’aura pas été vu, et ce qui risque de prendre encore du temps à être compris, est que la politique a été individualisée à l’instar de tous les autres comportements sociaux, économiques et culturels. Elle se vit et se pratique dans l’intimité des individus et non plus dans le groupe. L’exaltation de la vie privée et des droits individuels a eu comme conséquence que les comportements communautaristes des partis politiques, voire des syndicats, ne satisfait plus la personne car elle ne tolère plus l’exigence de soumission, appelé discipline, qui conditionne toute action organisée en de la politique. C’est ainsi que nous avons de plus en plus des personnes se déclarant d’un bord politique donné ou d’un autre, sans qu’elles ne soient affiliées à une formation politique qui en fait la promotion.  La force des partis politiques ne se mesurera plus par le nombre de leurs adhérents, de leurs militants, ni mêmes des personnes ayant réellement voté pour eux lors d’un quelconque rendez-vous électoral mais plutôt par leur capacité, plus immatérielle et intangible, de ramener le collectif à l’individuel et vice-versa et de toucher les gens et les faire adhérer à des solutions précises à des problèmes conjoncturels précis sans avoir à passer par l’embrigadement ou l’engagement inconditionnel. La fidélisation totale et à durée indéterminée risque fort de ne plus être possible.

 

Le concept de succès politique d’un leader qui se mesure encore en termes des membres de sa famille la plus proche, de ses cousins, beaux frères et belles sœurs qu’il peut placer dans le gouvernement et dans les plus hautes fonctions de l’Etat et des établissements publics est anachronique mains néanmoins bien ancré dans les habitudes et les us des la classe politique. Vestiges ou séquelles d’un autre temps, ces pratiques dominent les partis politiques et s’expriment avec le plus de violence quand elles correspondent à des monopoles de l’autorité et à l’exclusion des plus méritants comme il est le cas au niveau de la primature actuelle. C’est en grande partie en raison de cet anachronisme que des sympatisants ou de militants potentiels se sont détournés de l’action politique et se sont investis dans l’action des organisations non gouvernementales de développement, des droits humains, etc.

 

Le succès, la réussite, la performance étant tous devenus des caractéristiques et des prouesses individuelles sanctionnées par des diplômes, des médailles, des trophées et des prix ne laissent pas beaucoup de place au collégial et aux exploits du groupe. Même dans les sports collectifs dans lesquelles le succès est celui d’une équipe, des trophées ont été créés pour célébrer des individualités. Ainsi, en plus d’être champion du monde avec son équipe, les joueurs ne sont plus des coéquipiers quand il s’agit de briguer le ballon d’or, la chaussure d’or, etc. Une offre de travaille dans une équipe politique qui ne prévoit pas des espace pour l’individu de se distinguer et de se faire valoir à la valeur à laquelle il estime avoir droit aura des difficultés à convaincre les nouvelles générations.

 

Il faut un nouveau génie pour s’adjoindre plus de votants que les concurrents et pour convaincre les défectibles de s’intéresser et de s’investir en politique. En tout état de cause, promouvoir ministre un ancien parlementaire et représentant local le lendemain de sa défaite dans des élections stratégiques et quelques jours après qu’il ait déménagé dans une nouvelle demeure digne d’un magnat des finances d’un paradis fiscal alors qu’il représente un parti dit progressiste de gauche dans un quartier populaire ne peut pas correspondre à ce nouveau génie.  De même, un parti politique qui accepte qu’un septuagénaire qui a cumulé des dizaines de mandats à ses divers compteurs politiques oppose sa candidature à celles de plus jeunes qui sont en file depuis des années fait preuve de sclérose terminale. Jamais! Cela manque d’ingéniosité, d’imagination et de bon sens. Pourquoi un jeune, voire un moins jeune, travaillerait et se tuerait dans la campagne électorale d’un tel caractère ?

 

L’ambiguïté et l’incohérence des comportements sociaux, politiques et personnels, plus facilement dévoilées sur les murs des cercles sociaux virtuels, vont continuer à militer contre la continuité et le maintien des mécanismes, des discours et des personnes qui font la politique au Maroc. L’exercice de la politique ainsi que les centres de ses pôles d’attraction on glissé vers des lieux et des espaces jusqu’à très récemment rarement associés à cette pratique. De même, et sans faire de l’âge relativement avancé d’une figure emblématique une contrainte à son maintien sur le devant de la scène d’une formation politique, il lui sera de plus en plus difficile de résister aux forces naturelles de l’érosion en politique qui déprécient la valeur combative et le potentiel mobilisateur des personnes et des groupes. En effet, dans une société de consommation, de l’usage unique, du jetable, et de l’achat à distance, le renouvellement des visages, des manières de faire et d’exprimer les priorités seront soumis aux mêmes conditions de la créativité en matière de design, de marketing  et de la gestion des stocks des produits alimentaires ou de l’électronique.

 

En France, et abstraction faite des positions des uns et des autres, le Parti Socialiste a innové en introduisant des primaires ce qui lui a permis de proposer un débat à des niveaux non expérimentés auparavant, de multiplier les déclinaisons des choix au sein de le même grande famille politique, de redynamiser ses militants blasés par l’ambiguïté des messages des années dernières et de créer un intérêt chez des personnes démotivés par la main basse plus lourde des finances et de l’économie sur la politique. Par ailleurs, cette novation a pris des avances sur les concurrents en offrant aux jeunes votant pour la première l’occasion de s’initier avec eux.

 

Le Maroc et ses partis politiques sont, nous dit-on, en pleine préparation d’un rendez-vous électoral des plus décisifs de leurs vie politique et leurs pas en démocratie. Les premières observations qu’ils nous on données à faire nous font peur pour eux et pour leurs objectifs déclarés. Les formations en rangs serrés pour l’occasion qui ont osé une sortie médiatique manquent de cohérence et de crédibilité. Des socialistes associés à des islamistes, des verts à des grands agriculteurs, des centristes s’alliant à une gauche trébuchante et à une droite cherchant confirmation et soutien avec des rescapés des créations de l’administration. Nous devons aux observateurs et aux professionnelles de l’analyse de la chose politique au Maroc beaucoup de sympathie, ils n’ont pas la tâche facile.
envoyé par / Abdellatif ZAKI

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1 Comment

  1. OBSERVATEUR
    10/10/2011 at 14:43

    Tout le respect à vous et à votre analyse plutôt académique et valeureuse en elle-meme.Seulement, et à ce que je vois, la problématique que pose et impose la réalité politique au Maroc est bien détérminée.C’est la main mise du Makhzen sur la vie politique. C’est sa volonté farouche d’empêcher l’émergence et l’action de partis politiques forts, indépendants dans leurs décisions et actions, et aptes vraiment de jouer leur rôle de représentation et encadrement du peuple pour l’atteinte d’une vraie démocratie. Le combat donc devrait être orienté vers le makhzen et les élites partisanes corrompues

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