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Le prêche du vendredi, un discours hebdomadaire standardisé

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Tayeb Zaid


Depuis que le ministère du culte et des affaires islamiques a standardisé le prêche du vendredi, les fidèles ont standardisé leurs discours sur l’événement. A un discours religieux unique dans les mosquées répond un discours de même nature dans les lieux publics et sur les réseaux sociaux. La normalisation du discours religieux du vendredi a suscité quelques traits d’esprits. Bien avant la prière de milieu de jour du vendredi, le sujet du prêche est déjà sur les réseaux sociaux et les plaisantins se le partageaient. Cela leur rappelait les ‘’fuites’’ des examens scolaires où comptes et faux comptes se relayaient des soi-disant sujets d’examens bien avant l’heure H ou le jour J. A chaque situation son discours et la normalisation du prêche du vendredi a normalisé le discours quotidien. Tout le monde parle d’un seul et même sujet comme tous les prêcheurs prononcent le même prêche, points, virgules et retours à la ligne compris. Pour une fois, les citoyens sont d’accord sur un sujet de discussion. C’est une mise à niveau, une standardisation de la pensée religieuse, une uniformisation de la consommation d’un produit manufacturé, fait maison, à l’échelle d’une nation, distribution à mosquée et à domicile garantie. Un prêche standard pour un prieur standard. Un produit unique pour une consommation plurielle.
Ne pense pas. Laisse-nous penser pour toi.
A quelque chose malheur est bon.
Avant la standardisation du prêche du vendredi, chaque prêcheur préparait le sien. Un produit personnel, à la mesure du quartier et de ses habitants, dit dans la langue classique, redit dans la langue dialectale. Le prêcheur avait plein droit de dire d’une autre manière, avec d’autres moyens et d’autres mots et d’autres tournures. C’était son produit qu’il pouvait modifier selon la tête que peuvent avoir ses fidèles. Cela lui demandait du temps, des efforts, et une bonne documentation. Les fidèles, de leur côté, choisissaient telle ou telle mosquée pour tel ou tel prêcheur. Et les prêcheurs faisaient de leur mieux pour intéresser et satisfaire les prieurs. La fin du prêche se terminait le plus souvent par des imprécations contre les Juifs et les Nazaréens et des prières pour la Palestine, Gaza et Al Qods.
Après la normalisation du prêche du vendredi, le plus souvent, les fidèles savent à l’avance, grâce aux ‘’fuites’’ le contenu du discours religieux que le prêcheur allait prononcer. Le suspens et l’intérêt baissent chez ceux qui avaient l’avantage de l’avoir déjà intercepté. Nombre d’anecdotes ont été tissées dans ce sens pour donner à l’évènement un caractère plus gai, moins sombre. L’une d’elles, je ne sais pas si j’aurais bonne mémoire pour en raconter quelques unes à mes lecteurs, est que, comme les fidèles ont déjà sur leur portable le discours religieux du vendredi, ils pourraient le répéter en chœur avec le prêcheur, comme pour la lecture du Saint Coran après la prière du matin (Frajr) ou celle du coucher de soleil (Maghrib). Au lieu de se croiser les bras, de se tourner les pouces, de se ronger les ongles et les nerfs à écouter ce qu’ils savent déjà, les prieurs pourraient participer de leurs voix tout en lisant sur leur Smartphone.
Contrairement aux discours religieux personnels d’autrefois, le prêcheur de ce vendredi de la mosquée où j’ai été, n’a pas soufflé un seul mot ni contre les Juifs et les Nazaréens, ni pour la Palestine, Al Qods et Gaza. Il lisait ce qu’il y avait sur la feuille qui lui a été remise par l’instance dont il dépend. Il n’a pas non plus le droit d’expliquer, ni de dire autrement, ni de dire dans la langue de tous les jours ce qui est dit dans la langue savante. Le prêcheur devient alors un simple lecteur d’un discours qui n’est pas de lui. En conséquence, à l’avenir, le ministère du culte et des affaires islamiques n’aura pas à former de prêcheurs pour le discours religieux du vendredi. Les lecteurs ne manquent pas dans les mosquées. Les retraités en manque d’ouvrage feraient l’affaire.

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