Avec l’Espagne, tout est à remettre en cause
Par Mohamed INFI
La crise diplomatique entre le Maroc et l’Espagne ne laisse pas indifférent, d’autant plus qu’elle suscite, de part et d’autre, des sentiments enfouis dans les bas-fonds de la mémoire collective relative à la géographie physique et politique, laquelle géographie est mêlée à l’histoire coloniale dont le dossier n’est pas encore clos.
Sans revenir en arrière pour faire appel à l’Histoire, je me contente d’émettre un avis personnel au sujet de la crise actuelle entre Rabat et Madrid, laquelle crise soulève, à tous les niveaux, des questions d’envergue et de nature épineuse.
En tant que citoyen marocain, tout, dans cette crise, m’interpelle, au point qu’il me semble qu’avec l’Espagne tout est à remettre en cause ou, tout au moins, à remettre en question.
Personnellement, je ne m’occuperais, dans ce petit article, ni de la question diplomatique, ni de celle des affaires économiques et commerciales, ni non plus des enjeux géo- stratégiques ou de tout autre problème nuisant aux intérêts communs des deux pays voisins.
Ce genre de questions ou d’affaires et d’enjeux relèvent, à mon sens, des attributions de l’Etat (le nôtre, s’entend !). Celui-ci, souverain dans ses décisions, n’a besoin de recevoir de leçons de qui que ce soit. Quant à moi, je ne peux qu’applaudir à tout effort qui se fait en vue de défendre la souveraineté de notre territoire et les intérêts suprêmes de notre pays. De ce côté-là, je suis très confiant car notre diplomatie pluridimensionnelle (et professionnelle) est entre de bonnes mains, n’en déplaise à certains esprits tordus !!!
Ce que je voudrais soulever ici, c’est la question de l’impact de cette crise sur l’opinion publique marocaine, laquelle opinion s’interroge sur ce qui reste des valeurs européennes qu’on lui a inculquées comme étant des valeurs universelles et humanistes.
Ce n’est un secret pour personne que l’élite marocaine prenait l’Occident, et tout particulièrement l’Europe, pour un modèle à suivre. Que reste-t-il de ce modèle à la suite de cette crise avec l’Espagne ?
L’opinion publique marocaine, y compris son élite politique, intellectuelle, syndicale, sportive, associative… est profondément choquée par l’attitude de certaines instances européennes qui n’ont pas hésité à faire d’une crise bilatérale une affaire européenne, comme c’est le cas pour le Parlement européen, et ce sous l’incitation et la pression de l’Espagne qui a voulu européaniser cette crise dont elle est la seule responsable.
Pour le Maroc (Peuple et Etat) , l’attitude de cette institution européenne est incompréhensible et inacceptable car, d’un côté, il a accepté de jouer le jeu de l’Espagne en faisant de la question de l’émigration clandestine la raison principale de la crise, alors que le Monde entier sait que la cause principale est plutôt politique et immorale (immorale parce que l’Espagne a accepté de recevoir, avec de faux papiers et un faux nom Ben battouch, sur son sol et donc sur l’Espace Schengen, un criminel recherché par la justice espagnole pour de graves crimes commis contre des ressortissants espagnols, et sur leur sol même, sans parler de ceux commis sur le sol algérien contre des séquestrés Sahraouis marocains à Tindouf).
D’un autre côté, le Parlement européen a largement dépassé ses limites et ses prérogatives en s’immisçant, à propos du Maroc, dans des questions relevant de la compétence de l’O.N.U. Il s’est immiscé, donc, dans une affaire qui ne le regarde pas. Ce qui est grave, c’est qu’en s’impliquant dans cette affaire, c’est toute l’Union européenne qui y est impliquée.
On comprend bien le but du Gouvernement Sanchez qui, par sa connivence avec le pouvoir algérien, s’est trouvé dans de très sales draps après l’éclatement de l’affaire du criminel Ghali. L’intention de Madrid est donc très claire : détourner l’attention de l’opinion publique espagnole et européenne de la véritable cause de la crise.
Mais ce qu’on ne comprend pas, c’est l’attitude du Parlement européen qui a accepté d’être impliqué dans cette crise sans aucun égard pour le statut particulier du Maroc au sein de l’Union européenne, ni pour son respect exemplaire du partenariat qui le lie avec cette Institution.
A la suite de tout cela, l’opinion publique marocaine s’interroge sur ce qui reste des valeurs qu’elle considérait comme européennes (démocratie, pluralisme, liberté de la presse et de la pensée, droits humains, respect de l’autre, tolérance, ouverture, etcetera, etcetera).
Quant à notre voisin ibérique, il s’est démasqué de façon flagrante, et devant le monde entier : l’esprit colonial et raciste anime sa presse, ses partis politiques d’extrême gauche comme d’extrême droite ; la prétendue indépendance de la justice espagnole a été mise à l’épreuve dans l’affaire du criminel Ghali- Ben battouch ; le gouvernement espagnol, et donc l’Etat lui-même, n’est pas digne de confiance, parce qu’il manque de crédibilité et de fiabilité. Sa connivence avec le régime militaire algérien en est la preuve indéniable.
Le racisme, en Espagne, n’a pas trop attendu pour s’exprimer de façon abjecte. Trois balles ont traversé le corps du jeune Marocain, Younès Bilal, laissant derrière lui une jeune veuve et trois enfants ; les quatre sont de nationalité espagnole.
Younès est victime du discours de la haine raciste que véhiculait et propageait ces derniers temps la presse espagnole travaillant pour le compte du gouvernement et des formations politiques extrémistes.
Le gouvernement espagnol est pour beaucoup dans cette remontée de la haine raciste, non seulement en Espagne mais aussi dans d’autres pays européens comme la Hollande.
En conclusion, avec la crise maroco-espagnole, nous avons assisté à la résurgence de l’esprit colonial et à la montée de la haine et de la violence contre les immigrants, pas seulement en Espagne. La crise avec ce pays nous a appris beaucoup de choses : elle nous a révélé la véritable identité de notre voisin ibérique et la nature de certaines instances européennes qui ne sont aucunement gênées par le recours à deux poids et deux mesures, quand il s’agit d’une crise politique entre mon pays et un pays européen, même si celui-ci est le seul responsable de la crise.
C’est décevant ! C’est immoral ! C’est inadmissible pour le Maroc d’aujourd’hui qui n’est plus le Maroc d’hier !
Meknès (Maroc), le 20 juin 2021
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