Lettre d’un professeur à ses élèves
Zaid Tayeb
Mes chers élèves :
Jamais il ne m’est venu à la pensée d’en arriver à vous abandonner là où vous avez le plus besoin de mes services. J’ai l’impression de vous avoir tourné le dos au moment où je devais vous faire face et vous regarder droit dans les yeux pour vous donner plus de courage , plus d’impulsion et plus d’assurance en ce que vous êtes capables de faire, comme l’entraineur sur les premiers gradins de la pelouse dont la voix et les cris et les appels, à cause des ovations, ne portent pas jusqu’à son athlète arrivé sur la ligne droite. Dans la situation actuelle où nous sommes, qui n’a rien d’ailleurs d’une catastrophe et que nous allons bientôt traverser comme une épreuve à laquelle nous avons été soumis, j’ai deux choses à vous communiquer.
La première est qu’on ne sait pas encore quand la vie va reprendre son cours normal et quand vous allez revenir à vos bancs de classe que votre absence a laissée froids et tristes.
La seconde est que nous devons tous nous accoutumer à cette nouvelle vie que nous sommes obligés de vivre en changeant nos habitudes. Je sais que la rue, vos petits copains, les flâneries, le portail de l’école devant lequel vous vous agglutiniez, les va et vient continuels et incessants pendant les récréations et les intercours, tout cela vous manque, comme à moi les sorties pour me dégourdir les jambes et les petites discussions avec les amis pour me donner plus d’aplomb. Je ne suis pas bien différent de vous. Voyez-vous. Chacun de nous a ses habitudes, ses mœurs, ses loisirs, ses passe-temps qu’il meublait à sa manière selon son âge et ses préoccupations. Il est temps de les changer pour s’adapter à cette vie nouvelle qui s’offre à nous et aux exigences de laquelle nous devons nous conformer, le cœur débordant d’un espoir en un lendemain meilleur. Et il le sera.
En conséquence, dans l’attente de l’éclaircie après la tempête qui nous aura frappés et à laquelle nous aurons survécu, nous sommes appelés à respecter le mot d’ordre et à rester confinés chez-nous. Cela étant, nous ne devons pas rester enfermés entre quatre murs, à « se tourner les pouces ». Comme nous avons les moyens de travailler chacun depuis chez-soi, travaillons donc chacun de chez-soi. Les smartphones que j’avais l’habitude avec raison d’interdire en classe et de vous confisquer tout en vous blâmant avec beaucoup de méchanceté dans la voix, dans le regard et dans le geste, vous vous en souvenez sûrement, avec un peu de fâcherie et de colère à peine voilées envers ma personne, eh bien ! je vous demande à présent de les sortir et d’en faire usage, non en cachette, comme vous aviez l’habitude de faire, le temps d’un bref regard rapide sur un message, mais ouvertement et de manière ostentatoire. Ne vous ai-je pas demandé de changer d’habitude, de vous adapter à la nouvelle situation ? A chaque situation ses outils. L’outil actuel et que je vous recommande vivement d’utiliser est votre smartphone, celui-là même que vous aviez l’habitude de dissimuler quand je passais entre les rangs. Celui-là même dont j’interdisais l’emploi. Convertissez-le d’un outil ludique, en un outil pédagogique. Adaptez-le à vos besoins et aux exigences du moment.
Les cours que j’avais l’habitude de donner de vive voix, pendant que vous me regardiez faire, assis sur vos bancs, ce sont les mêmes que ceux que je donne loin de vous. Restons dignes malgré la distance géographique qui nous sépare. Travaillons comme lorsque j’étais avec vous, avec sérieux et application, dans les règles de la discipline, loin de mon regard, proches de mon cœur.
Zaid Tayeb
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A BON ENTENDERUR…