Quel suivi par le Maroc de la 8ème Conférence Ministérielle des «5 +5» à Marrakech sur la Migration et le Développement ?
Par Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat, chercheur en migration
Les 1er et 2 mars 2020 s’est tenue à Marrakech, à l’invitation de Nasser Bourita, ministre des affaires étrangères , de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, la 8ème Conférence ministérielle du «Dialogue 5+5 » sur la Migration et le Développement. Ce forum informel instauré en 1990, qui aborde des thèmes très divers, implique des acteurs à plusieurs niveaux, tout en s’élargissant progressivement vers de nouveaux acteurs (parlement, conseils économiques et sociaux…) ainsi que la société civile, regroupe les dix pays suivants de la Méditerranée Occidentale : l’Algérie, l’Espagne, la France, l’Italie, la Libye, Malte, le Maroc, la Mauritanie, le Portugal et la Tunisie.
Nous reproduisons ci-après l’intégralité de cette importante Déclaration finale comprenant 43 points , que nous ferons suivre de nos observations , commentaires et suggestions .
DÉCLARATION FINALE
Conformément aux recommandations de la 15ème réunion des Ministres des Affaires Étrangères du ‘Dialogue 5+5’, tenue à Malte, le 18 janvier 2019, et à l’invitation de Monsieur Nasser Bourita, Ministre des Affaires Étrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidant à l’Étranger du Royaume du Maroc, les Ministres des Affaires Étrangères des États Membres du ‘Dialogue 5+5’, à savoir : L’Algérie, l’Espagne, la France, l’Italie, la Libye, Malte, le Maroc, la Mauritanie, le Portugal, et la Tunisie, se sont réunis, à Marrakech, les 1er et 2 mars 2020, à l’occasion de la 8ème Conférence Ministérielle du ‘Dialogue 5+5’, sur la Migration et le Développement.
L’Union Africaine, la CEDEAO, l’Union européenne, l’Union du Maghreb Arabe, l’Union pour la Méditerranée, l’OIM, la CNUCED, ont pris part à cette Conférence, en qualité d’observateurs.
Les Ministres réaffirment leur attachement au ‘Dialogue 5+5’ en tant que cadre fondamental de la coopération euro-méditerranéenne, représentant un modèle de partenariat Nord-Sud, ayant démontré son efficience et son utilité pour consolider les liens entre les deux rives de la Méditerranée Occidentale.
Les Ministres soulignent que cette Réunion de haut niveau vient consolider les acquis des précédentes Conférences Ministérielles du ‘Dialogue 5+5’ sur la migration.
Les Ministres soulignent l’ancrage du Dialogue 5+5 sur la Migration et le Développement et sa cohérence et complémentarité avec les autres cadres régionaux et internationaux en matière migratoire, dans l’esprit du Sommet de la Valette, du Processus de Rabat, du Partenariat euro-méditerranéen et du Forum Mondial sur la Migration et le Développement qui appréhendent la question migratoire selon une approche globale (migration régulière et mobilité, migration irrégulière, développement et protection des migrants et demandeurs d’asile).
Les Ministres rappellent que l’Agenda 2030 pour le Développement Durable des Nations Unies vise dans son objectif 10.7 à faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sans danger, régulière et responsable, notamment par la mise en œuvre de politiques de migration planifiées et bien gérées. Ils saluent les travaux développés au niveau onusien en la matière, ayant abouti, entre autres, à l’adoption, le 10 décembre 2018 à Marrakech, du ‘Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières’, sans préjudice des positions respectives des Etats membres du Dialogue 5+5.
Les Ministres réaffirment leur volonté de continuer à travailler sur la base d’une approche globale, concertée et équilibrée du Dialogue en matière de traitement de la problématique migratoire, basée sur la responsabilité équitablement partagée et la solidarité agissante, en vue d’une meilleure gestion des flux migratoires.
Les Ministres expriment leurs profonds regrets et grande préoccupation devant la perte de vies humaines causée par les réseaux de trafic illicite de migrants et de traite de personnes et soulignent l’engagement de leurs États respectifs de lutter efficacement contre ces fléaux ainsi que contre l’immigration irrégulière et toutes les formes d’exploitation de migrants et de violation de leurs droits.
Conscients de la place importante qu’occupent les échanges humains dans la coopération multisectorielle en Méditerranée Occidentale, les Ministres se sont accordés sur la nécessité d’œuvrer de concert et dans un esprit de partenariat pour une gestion efficace, novatrice, responsable et mutuellement bénéfique de la migration et la mobilité; l’objectif étant de mieux appréhender les enjeux migratoires et de tirer profit des opportunités que la migration régulière offre à tous les pays de la région.
Les Ministres soulignent l’importance de valoriser les apports positifs de la migration pour les pays des deux rives de la Méditerranée et de promouvoir les valeurs du respect mutuel, de la tolérance et du vivre ensemble en paix.
Les Ministres réaffirment leur volonté et leur engagement pour agir collectivement sur les différentes dimensions de la migration dans le cadre d’une approche globale, équilibrée et concertée, basée sur la connaissance, la compréhension des tendances migratoires, la définition de véritables politiques dans ce domaine, la facilitation de la mobilité et de la migration régulière, la lutte contre la migration irrégulière et l’exploitation des migrants, le respect de leurs droits et la promotion du développement durable.
Les Ministres sont convaincus que dans le contexte actuel favorisant la mobilité humaine sud-sud / nord-sud / sud-nord, la mise en place d’un espace régional de dialogue et de coopération en matière de migration et de développement peut contribuer à la dynamique internationale dans le domaine de la migration.
Les Ministres s’engagent à utiliser tous les leviers, dont ils disposent, pour relever ce défi en s’appuyant sur les principes de responsabilité partagée, de solidarité agissante et de confiance mutuelle.
14. Ils saluent la participation à cette réunion ministérielle des organisations internationales et régionales intergouvernementales invitées et notent avec satisfaction leur disposition à collaborer étroitement avec les pays du ‘Dialogue 5+5’ dans ce domaine.
Dans la lignée des conclusions du Sommet des deux rives, les Ministres reconnaissent l’importance des collectivités territoriales, en particulier des villes, dans la bonne gouvernance des migrations, et conviennent de réunir, à l’avenir, en marge de cette conférence, plusieurs collectivités de divers niveaux afin de favoriser et renforcer la coopération décentralisée en matière de migration
Les Ministres prennent note de la contribution riche et substantielle des représentants de la société civile de la Méditerranée Occidentale à travers des recommandations et propositions en matière de migration et développement, élaborées à l’issue de leur réunion, à Agadir, le 29 novembre 2019. Ils réitèrent l’importance de la participation des acteurs non gouvernementaux à la mise en œuvre des politiques nationales en la matière et la nécessité de leur collaboration dans le cadre du partenariat régional en Méditerranée Occidentale.
A la lumière de ce qui précède, les Ministres conviennent d’œuvrer de concert en vue d’entreprendre les actions suivantes :
Politiques en matière de migration :
Les Ministres soulignent l’importance de la mise en place de politiques nationales globales et intégrées en matière migratoire qui appréhendent cette question selon une approche à la fois ambitieuse et réaliste en accordant une place importante à la dimension humaine. Ils s’accordent sur la nécessité d’un échange et d’une coordination de ces politiques nationales en s’inspirant des meilleures pratiques en la matière, notamment celles adoptés dans le cadre des Nations Unies.
Ils rappellent l’importance d’élaborer et renforcer les législations nationales adaptées dans les domaines des migrations, d’asile et de lutte contre la traite des personnes et le trafic illicite des migrants, en conformité avec les conventions internationales, et à la mise en place ou la mise à niveau d’institutions dédiées, notamment à la protection des réfugiés.
Ils affirment la nécessité de s’appuyer sur des données précises et des analyses fiables pour renseigner des politiques migratoires efficientes et définir des stratégies concertées et ciblées, faisant de la migration une opportunité pour le développement. Dans ce cadre, ils saluent la mise en place par l’Union Africaine de l’Observatoire Africain des Migrations basé à Rabat et dont la mission, reposant sur le triptyque « comprendre, anticiper et agir », est de collecter et analyser les données migratoires, ainsi que faciliter la coordination entre les États africains, pour une gouvernance éclairée des migrations au niveau du continent africain. A cet effet, ils expriment leur disposition à lui apporter le soutien approprié pour mener à bien sa mission et appuyer le contact régulier entre celui-ci et les observatoires nationaux, régionaux et internationaux.
Ils encouragent, également, la création et le renforcement de la coopération entre les centres nationaux de recherche et de formation sur les migrations afin d’améliorer la compréhension du phénomène migratoire et contribuer à changer les perceptions souvent négatives de la migration.
Les Ministres reconnaissent la nécessité d’établir un dialogue ouvert et régulier au niveau des experts, dans l’objectif d’élaborer des stratégies concertées en matière migratoire qui répondent aux attentes des pays du ‘Dialogue 5+5’ et prennent en considération toutes les dimensions de la migration, notamment socio-économique et humaine.
Ils s’accordent sur l’importance d’une coopération active pour une mise en œuvre efficace des stratégies concertées ainsi que sur la nécessité de renforcer les capacités institutionnelles des instances étatiques et de la société civile.
Les Ministres considèrent que cette coopération gagnerait à consolider davantage la coordination sur la question migratoire entre les États de la région au sein des forums et processus régionaux et internationaux qui traitent du phénomène migratoire, notamment le Réseau des Nations Unies pour les migrations, le Partenariat UE-UA, le partenariat entre la Ligue des Etats Arabes et l’Union européenne, l’UpM, le dialogue entre l’Union Européenne et les pays du Voisinage Sud dans le cadre des accords d’association, ainsi que les dialogues euro-africains sur la migration, tels que le Processus de Rabat, et de Khartoum. Ils encouragent le recours à la coopération triangulaire entre les pays d’origine, de transit et de destination dans ce domaine, et s’accordent sur l’importance de réserver une attention particulière aux groupes les plus vulnérables.
Mobilité et migration reguliere :
Conscients de l’importance de la circulation des personnes pour le raffermissement des partenariats riches et multidimensionnels qui existent entre les pays de la Méditerranée Occidentale, les ministres reconnaissent l’importance que revêt la question de la facilitation de la délivrance des visas et s’engagent à intensifier leur dialogue et leur coopération pour la simplification des procédures y afférentes et le renforcement des aspects de la sécurité des outils informatiques utilisés dans ce cadre et encouragent la mobilité, notamment des acteurs scientifiques, économiques, culturels et autres qui contribuent au renforcement de la coopération en Méditerranée Occidentale dans l’intérêt de tous et dans le respect des règles en vigueur.
Ils invitent les services nationaux concernés à œuvrer pour la facilitation d’une migration régulière qui répond aux besoins des pays à travers l’échange d’informations sur les possibilités offertes par les marchés du travail, la mise en réseau des agences nationales de promotion de l’emploi et la conclusion d’accords bilatéraux de migration de main d’œuvre.
Les Ministres prennent bonne note du succès de certaines initiatives menées dans le cadre de la migration temporaire et circulaire dans la région et encouragent la poursuite des projets bilatéraux à géométrie variable dans ce domaine et leur élargissement dans la région. Ils soulignent que ces programmes de mobilité devraient avoir des objectifs non seulement professionnels mais aussi éducatifs et de formation professionnelle, et devraient permettre de faciliter la reconnaissance mutuelle des aptitudes, qualifications et compétences, contribuant ainsi à une meilleure intégration et, par conséquent, au développement des ressources humaines des pays concernés.
Ils encouragent la coopération entre les différentes institutions nationales et entre les secteurs public et privé qui constitue un élément clé d’une gestion efficace des canaux de migration régulière.
Migration et Développement :
Les Ministres réaffirment leur volonté commune visant à traiter les causes profondes du phénomène migratoire entre les pays d’origine, de transit et d’accueil, dans un esprit d’équité, de responsabilité partagée et de solidarité agissante.
Ils s’accordent sur l’importance d’agir pour la promotion du développement durable des pays d’origine et de transit dont l’impact sur les migrations est indéniable. Ils réitèrent leur soutien à la mise en œuvre des programmes visant le développement des régions à fort potentiel migratoire et la création d’emplois et expriment leur appui aux initiatives ayant pour objectif de réduire les écarts de développement entre les territoires, et ce sur la base du principe de co-appropiation.
Ils saluent le développement de la coopération triangulaire entre pays d’Europe, du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest, notamment en matière de formation, de mobilité professionnelle, de valorisation des migrations pour le développement et la réintégration durable des migrants et encouragent l’élargissement du champ d’action de cette coopération triangulaire.
Ils encouragent l’organisation d’une rencontre de haut niveau sur le lien entre l’investissement et la migration dans l’objectif de favoriser les investissements directs étrangers et la création d’entreprises au niveau local pour offrir des opportunités en matière d’emplois aux jeunes dans leurs pays d’origine.
Reconnaissant l’apport des diasporas aux pays d’accueil et d’origine, les Ministres appellent à la promotion de l’intégration de la migration dans les stratégies sectorielles de développement des pays de la région et à la création de synergies entre la diaspora, les autorités locales, la société civile et le secteur privé pour mettre en place, dans les pays d’origine et de transit, des projets de développement aux niveaux national, régional et local.
Les Ministres s’engagent à contribuer à maximiser l’impact positif de la migration sur le développement durable des pays d’origine et de transit, et à favoriser l’inclusion financière des migrants, en réduisant les coûts des transferts de fonds effectués par les migrants vers leurs pays d’origine en dessous des 3% d’ici à 2030, en favorisant l’échange de bonnes pratiques relatives à la mobilisation de l’épargne des diasporas pour l’investissement productif dans leurs pays d’origine et la promotion de technologies et produits financiers innovants.
Les Ministres en appellent aux institutions financières régionales et internationales pour mobiliser des fonds nouveaux et conséquents en vue de soutenir des projets de développement, créateurs d’emploi et de richesse dans les pays d’origine.
Intégration des migrants :
Les Ministres saluent les efforts menés pour assurer une intégration paisible et harmonieuse des migrants en situation régulière dans leurs pays d’accueil, dans le respect des lois nationales. Ils soulignent la nécessité de renforcer la coopération dans ce domaine afin d’optimiser les politiques d’intégration et de mettre en place les mécanismes et outils nécessaires, en s’inspirant des meilleures pratiques aux niveaux régional et international.
Les Ministres soulignent l’importance d’œuvrer pour assurer un traitement équitable aux migrants en situation régulière dans leur pays d’accueil, préserver leur dignité et assurer le respect des droits de l’Homme, notamment, en ce qui concerne la lutte contre toutes les formes de discriminations, le racisme et la xénophobie, ainsi que l’égalité à l’accès aux services sociaux, à la formation professionnelle et au Droit du Travail aux migrants réguliers, ainsi qu’en ce qui concerne la portabilité de leurs droits sociaux, à travers la conclusion et la ratification d’accords et conventions, en la matière.
Migration irrégulière, TRAFIC DES MIGRANTS et traite des êtres humains
Les Ministres réaffirment l’intérêt qu’ils attachent à la coopération et aux échanges d’informations dans le domaine de la lutte contre les réseaux de traite des personnes et de trafic des migrants et de la fraude documentaire et soulignent la nécessité de coordonner leur action en matière de prévention et de réduction de la migration irrégulière, à travers une coopération renforcée entre les acteurs étatiques compétents.
Ils conviennent de renforcer leur coopération dans le domaine de la prévention de la migration irrégulière, du contrôle des frontières et de sauvetage des migrants en mer et de la réadmission des nationaux, qui est un axe de coopération à appréhender dans le cadre d’une approche globale respectueuse des droits des personnes, conformément au droit et aux accords existants, et en concertation avec les pays d’origine. Ils s’engagent à accorder une attention particulière à la protection et à la prise en charge des victimes de la traite des personnes, ainsi qu’au partage de bonnes pratiques en la matière.
Les Ministres s’engagent à consolider les capacités des institutions nationales en charge de la gestion des frontières, de la prévention et de la lutte contre le trafic des migrants et la traite des êtres humains, tout en encourageant la coordination et la coopération opérationnelles entre elles.
Les Ministres appuient la facilitation du retour volontaire assisté et la réinsertion par l’adoption de mesures d’accompagnement adaptées et ciblées aux besoins des personnes rapatriées.
Suivi et Mise en Œuvre :
Pour soutenir les ambitions de cette Déclaration, les Ministres conviennent de mandater leurs hauts fonctionnaires pour assurer un suivi dans l’objectif de :
Mettre en œuvre, sur une base volontaire, les mesures prévues par « la Feuille de route vers une opérationnalisation des conclusions de la 8ème Conférence Ministérielle de Marrakech du Dialogue 5+5 sur la Migration et le Développement », en prenant en considération les priorités communes et les intérêts mutuels des pays de la région. Cette phase de mise en œuvre s’accompagnera d’un recensement des projets à vocation bilatérale, régionale ou multilatérale, pour la mise en œuvre des engagements ci-dessus.
Identifier les moyens et outils nécessaires pour la concrétisation et le suivi des actions retenues, sans préjudice des règles et mécanismes de décisions propres aux instruments nationaux, européens, africains et multilatéraux.
Évaluer la mise en œuvre des projets à vocation bilatérale, régionale ou multilatérale et élaborer des rapports en perspective des prochaines Conférences ministérielles sur la Migration et le Développement du ‘Dialogue 5+5’.
Assurer la complémentarité des actions issues de ce processus avec celles des Plans d’Actions de la Valette, de Rabat et de Khartoum pour éviter les duplications et aider à créer des synergies entre elles.
Les Ministres accueillent favorablement la proposition du « pays » d’abriter la 9ème Conférence Ministérielle des pays du ‘Dialogue 5+5’ sur la migration et le développement.
NOS OBSERVATIONS ET SUGGESTIONS
Nos remarques, observations et propositions concernent les points suivants de la Déclaration finale , en identifiant les mesures concrètes qui nous paraissent à prendre concernant le Maroc dans le domaine migratoire au sens large, c’est à dire les divers aspects internationaux de la migration pour le Maroc. Quelques suggestions seront également formulées à l’échelle régionale.
– Points 2 et 14 :
L’ Union du Maghreb Arabe a assisté à cette réunion en tant que simple observateur. Mais elle aurait dû jouer en amont un rôle fondamental en concevant une vision commune en matière de migration, comme le fait l ‘UE pour les 5 pays de la rive Nord de la Méditerranée Occidentale , membres du «Dialogue 5+5». Si bien que l’on peut parler non pas des 5+5, mais des 5+1+1+1+1+1…Pourtant, en dépit même de l’inertie politique de l’UMA, faute de la réunion des cinq Chefs d’Etat des pays de l’Union, rien n’empêche le Secrétariat général de l’UMA, domicilié à Rabat, de mener une réflexion approfondie sur la thématique concernée et qu’elle en fasse profiter les 5 pays membres. Or même ce secrétariat n’utilise pas la marge de manœuvre dont il dispose au plan des études et de la réflexion pour l’action .
– Point 15 :
L’importance de la participation des acteurs non gouvernementaux à la mise en œuvre des politiques nationales en matière de migration et développement étant reconnue, il conviendrait en conséquence pour le Maroc d’associer notamment les chercheurs, les syndicats, les ONG de droits humains , les ONG de migrants à la commission interministérielle sous la présidence du chef du gouvernement, chargée des questions migratoires. Il en est de même pour le comité directeur de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, ainsi que pour l’Observatoire National des Migrations comme spécifié aux points 20 et 21 ci-dessous.
De même , au niveau de la réunion des représentants de la société civile de la Méditerranée Occidentale, il conviendrait d’impliquer les syndicats les plus représentatifs , ainsi que le Réseau Syndical Migrations Méditerranéennes Subsahariennes ( RSMMS) , soutenu par la Fondation Friedrich Ebert et dont le secrétariat est assuré par l’UGTT (Tunis) Ce réseau d’une trentaine de membres ( Afrique du Nord, Australe, de l’Ouest et d’Europe), comprend pour les pays du Maghreb, les organisations syndicales suivantes : Maroc ( UMT, CDT), Tunisie ( UGTT), Algérie (CGATA), Mauritanie ( CGTM)
– Point 18 :
Il est souligné ici «l’importance de la mise en place de politiques nationales globales et intégrées en matière migratoires ». Si le Maroc dispose d’une stratégie nationale en matière d’immigration et d’asile, pourquoi le gouvernement n’a pas encore élaboré une véritable stratégie nationale globale, cohérente et intégré en matière de Marocains résidant à l’étranger ?
Rappelons ici l’interpellation solennelle du gouvernement par le discours du Trône du 30 juillet 2015 qui nous paraît encore valable en mars 2020 : « Nous réitérons notre appel pour élaborer une stratégie intégrée fondée sur la synergie entre les institutions nationales ayant compétence en matière de migration pour rendre ces institutions plus efficientes au service des Marocains du monde ».
– Point 19:
Ici l’ensemble des signataires de la Déclaration finale «rappellent l’importance d’élaborer et renforcer des législations nationales adaptées dans le domaine des migrations, d’asile et de lutte contre la traite des personnes et le trafic illicite des migrants ». Si le Maroc applique déjà depuis le 17 septembre 2016 la loi 27-14 relative à la lutte contre la traite des êtres humains, pourquoi alors , dans le cadre de la «Nouvelle Politique Migratoire du Maroc » , initiée par le Roi en septembre 2013, le gouvernement n’a pas encore soumis au parlement , ni le projet de loi sur l’asile , ni le projet de loi de refonte en profondeur de la loi 02-03 sur l’entrée et le séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières ?
– Points 20 et 21 :
ici l’affirmation est faite de «la nécessité de s’appuyer sur des données précises et des analyses fiables pour enseigner des politiques migratoires efficientes et définir des stratégies concertées et ciblées, faisant de la migration une opportunité pour le développement». Par ailleurs , en saluant la mise en place par l’Union Africaine de l’Observatoire Africain des Migrations basé à Rabat,les ministres du «Dialogue 5+5 » expriment leur disposition à apporter à l’OAM «le soutien approprié pour mener à bien sa mission et appuyer le contact régulier entre celui-ci et les observatoires nationaux , régionaux et internationaux ».
Encore faut-il qu’on ait au Maroc un véritable observatoire national fonctionnel et efficient dans le domaine migratoire, embrassant tous les aspects et volets ( immigration étrangère au Maroc et Marocains résidant à l’étranger. Qui plus est, devrait être à la hauteur des ambitions du Maroc relatives à l’Observatoire Africain des Migrations et à l’opérationnalisation de l’Agenda Africain sur la Migration , qui est un apport majeur du Royaume du Maroc à l’UA.
Cet observatoire national de toutes les formes de migrations internationales concernant le Maroc , devrait inclure non seulement les étrangers au Maroc et l’immigration étrangère vers le Maroc, mais également l’émigration vers l’extérieur ( aussi bien celle des étrangers que celle des Marocains) et la communauté marocaine à l’étranger. Tout comme il devrait impliquer les chercheurs dans une optique multidisciplinaire compte tenu des aspects multidimensionnels des migrations , les syndicats représentatifs ou présents sur le terrain, la société civile , avec notamment un agenda national de la recherche en migration sur tous les aspects précités .
S’agissant de l’Observatoire Africain des Migrations , il serait souhaitable qu’il implique dans ses travaux et échanges , notamment le Réseau Syndical Migrations Méditerranéennes Subsahariennes ( RSMMS) (Voir notre point 15 plus haut).
– Point 23 :
La coopération active relative à la «nécessité de renforcer les capacités institutionnelles des instances étatiques » en matière de migration au sens large , implique de notre point de vue, la mise à niveau de tous les leviers d’action relatifs à la migration, dont la restructuration, dynamisation et démocratisation de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, l’opérationnalisation de l’article 163 de la Constitution relatif au CCME qui connaît de multiples dysfonctionnements , la refonte de Banque Al Amal , de la CNSS s’agissant des droits sociaux des migrants , du Conseil européen des oulémas marocains concernant l’encadrement religieux des MRE.
– Points 25, 29 , 37 et 39 :
Au delà des vœux pieux, les 5 pays de l’UE devraient réellement faciliter la circulation des personnes , sans la conditionner à la réadmission des «sudistes». Tout comme ils devraient traiter concrètement les causes profondes du fait migratoire entre les pays d’origine, de transit et d’accueil , assurer un traitement équitable aux migrants en situation régulière dans les pays d’accueil en préservant leur dignité et en assurant le respect des droits humains, notamment en matière de lutte contre toutes les formes de discriminations , le racisme et l’islamophobie
– Point 42 :
Si les dix ministres se sont mis d’accord pour mettre en œuvre, sur une base volontaire, les mesures prévues par «la Feuille de route vers une opérationnalisation des conclusions de la 8ème Conférence Ministérielle de Marrakech du Dialogue 5+5 sur la Migration et le Développement » , il revient à notre sens, s’agissant du Maroc, au chef du gouvernement, Saâd Eddine Elothmani, qui préside la commission interministérielle chargée des affaires des MRE et des affaires de la migration, de faciliter la concrétisation en particulier des aspects que nous avons identifiés, en cohérence avec la signature du Maroc des conclusions et de la Feuille de route de Marrakech du 2 mars 2020 .
Rabat, le 6 mars 2020
Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat, chercheur en migration
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