Relecture de l’incipit de la Boîte à Merveilles de Ahmed Sefrioui
Il est faux de croire que la Boîte à Merveilles, en tant qu’autobiographie ou roman autobiographique, comme il plaît à certains de l’appeler, raconte la vie ou une partie de la vie du personnage principal ‘’Sidi Mohammed’’. Il faut reconnaître que le personnage a 6 ans au début du roman et le même âge à la fin. Ce qui signifie que l’enfant reste enfant et qu’il n’évolue ni sur le plan social, ni sur le plan affectif. ‘’J’ai six ans, l’année prochaine j’en aurai sept et puis huit, neuf et dix. A dix ans, on est presque un homme’’, se dit-il à la page 8 du roman (éd.Librairie des Ecoles). Mais force est de constater que tout au long de l’histoire, l’enfant n’aura ni sept, ni huit, ni neuf ni dix ans. Il ne sera pas non plus un homme. Il restera un enfant de six ans condamné à accompagner sa mère partout où elle va et à écouter les histoires des femmes.
Le roman raconte donc de manière parallèle et presque similaire l’histoire de deux familles : celle de Mallem Abdeslam le tisserand et de sa femme Lalla Zoubida et celle de Moulay Larbi le babouchier et de son épouse Lalla Aïcha. Deux femmes de ‘’noble origine’’ et de noble descendance, toutes deux des Cherifas mariées à deux artisans qui travaillent des matériaux nobles, la laine et le cuir. Ce qui confère aux deux hommes noblesse et grandeur : Maalem Abeslam( Maître Abdeslam) le tisserand et Moulay Larbi (Seigneur Larbi) le babouchier, à l’inverse des autres personnages masculins dont les noms ne sont précédés d’aucun titre de noblesse : Driss El Aouad, Allal le jardinier parce que le premier travaille l’Oud( le bois) en sa qualité de fabriquant de charrues, le second la terre en tant que jardinier, ou féminins :Rahma, Fatma Bziouya, Saalama, Khadija, Zhor sans que leurs noms soient accompagnés de Lalla comme Lalla Zoubida et Lalla Aïcha.
De manière générale, les auteurs de romans posent dès l’incipit les fondements de l’histoire qui sont si nécessaires à la construction du récit et à son évolution.
I-Ancrage de l’histoire dans le cadre spatiotemporel : Où ? Quand ?
a-Le cadre spatial : Où ?
Dar Chouafa, Fès
Le narrateur s’attarde sur Dar Chouafa en tant que lieu principal où vont se dérouler les faits. A ce propos, la maison de la voyante ressemble à la pension Vauquer de‘’Le Père Goriot’’ de Balzac. Seulement, à l’inverse de madame Vauquer qui est la propriétaire de la pension, la chouafa n’est qu’une simple locataire. Chacune des deux femmes a donc donné son nom à un lieu : l’une à une pension, l’autre à une maison commune. La pension vauquer et Dar Chouafa sont des lieux de rencontre des principaux personnages des deux romans.
‘’Nous habitions Dar Chouafa’’ peut se décomposer en ‘’Dar’’ et ‘’Chouafa’’. Le narrateur va d’abord parler de ‘’ la Chouafa’’ avant de parler de ‘’Dar’’
-‘’La Chouafa’’= nom d’une personne féminine désignée par son activité non par son nom patronymique ‘’Kanza’’ . Cette locataire a deux activités, l’une quotidienne qui consiste à recevoir des clientes ‘’Des quartiers les plus éloignés , des femmes de toutes les conditions venaient la consulter’’(p.4) et une activité mensuelle qui est d’organiser une fois par mois une cérémonie de transes qu’animent les gnaouas pour pactiser avec les jnouns, les démons avec qui elle traite dans ses sinistres activités :‘’elle s’offrait, une fois par mois, une séance de musique et de danses nègres’’(p.4)
-‘’Dar’’ : maison , nom de lieu qui rassemble quatre familles dont la composante est à dominante féminine: Kanza, Rahma, Fatma Bziouya, Lalla Zoubida (cf.III)
b-Le cadre temporel : Quand ?
La date de déroulement des faits est à déduire de la date de naissance de l’auteur et de l’âge de l’enfant : elle remonte donc à 1921. La date de déroulement des faits et celle de l’écriture du roman (1954) vont permettre à l’auteur d’aller de l’une à l’autre par le biais d’analepses. En effet, comme le lecteur peut le constater, il arrive à l’auteur de se manifester dans le roman en tant qu’adulte pour porter quelques jugements de valeurs.
II-Installation des personnages dans le cadre spatial. Après cela, l’auteur procède à l’installation des personnages de Dar Chouafa dans le cadre spatial qui est la maison commune où doit en grande partie se dérouler l’histoire.
La Chouafa : elle dispose de deux chambres au rez-de-chaussée
Rahma, son mari Driss El Aouad et leur fille Zineb : ils occupent une chambre au 1er étage
Fatma Bziouya, son mari Allal le jardinier : ils habitent au 2ème étage qu’ils partagent avec la famille de Sidi Mohammed.
Lalla Zoubida, son mari Maallem Abdeslam et leur fils ,Sidi Mohammed : 2ème étage
III- L’histoire de deux familles : Quoi ?
a-L’histoire du louable Maallem Abdeslam qui a perdu tout son fond de roulement et qui a su remonter la pente en allant travailler dans les champs pour revenir remettre son atelier en marche.
b-L’histoire de Moulay Larbi l’ingrat qui a perdu son atelier au profit de son associé Abdelkader et dont la femme, généreuse et de bon cœur, s’est dépouillée de tout son mobilier et de tout son or pour permettre à son mari de remettre en marche un nouvel atelier. Mais, celui-ci, une fois ses affaires allant bien se remarie avec la fille du coiffeur qu’il doit quitter en fin de compte pour revenir à sa première épouse.
IV- Mise en marche de l’histoire
Il ne maque plus que qu’un coup de démarreur à l’histoire pour qu’elle se mette en marche avec la scène du bain maure. (page 8) En effet, l’histoire démarre avec le récit du bain maure. Le lecteur se retrouve donc pris dans les rouages des nombreux récits qui tissent ‘’La Boîte à Merveilles’’.
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