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L’émigration amazighe forcée.

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, Nous nous intéressons à la poésie rifaine, afin d’éclairer quelques uns des aspects peu connus de l’émigration forcée qui a emporté des milliers et des milliers de jeunes rifains, sans compter les innombrables estropiés et invalides, et tout ce qu’elle a laissé derrière elle comme veuves et orphelins durant les terribles années de sécheresse et de famine.

Empressement et célérité dans l’enrôlement des assujettis dans l’armée et leur envoi au front

Le patrimoine poétique amazighe a traduit avec beaucoup de soin et  une densité certaine cet empressement à enrôler les jeunes rifains dans l’armée, à un point tel que les nouvelles recrues ne réalisent souvent pas même à quel moment ils ont été embrigadés, ni si et quand ils ont fait leurs adieux à leurs mères, ni quand ils ont quitté les leurs et pris la mer pour l’autre rive de la Méditerranée, et finalement comment se sont-ils retrouvés au front :
Dieu ! Nous sommes-nous inscrits quand ? Et quand avons-nous traversé la mer ?
Dieu ! Quand, à nos mères, avons-nous dit adieu ?
Et, malgré la condensation de tout l’événement dans un seul distique, et malgré la sobriété et la concision du propos, il n’en reste pas moins qu’il reste chargé de sens profond, puisqu’il peint avec beaucoup de minutie l’état des recrues entraînés bien malgré eux, par milliers, et en un temps très court, à aller se battre au front, parfois même sans aucune expérience ni entraînement à la guerre. Ils ne sont décrits, dans cette poésie, que comme des enfants, qui se préparent à s’engager dans l’armée, sachant à l’avance, à quel sort ils sont destinés :
Les enfants entouraient le plateau à thé et chantaient

Nous partons pour mourir sur les terres d’Espagne
Cette conscience de ce qui les attendait n’était ni présage ni ne relevait de la prophétie, mais seulement la réalité de ce qu’ils ont pu voir ou entendre du sort d’autres soldats, morts après leur départ forcé en Espagne. La même scène, le même spectacle se répète, à voir l’émigré scruter les bateaux qui l’attendent sur le quai de Melilla, comme s’il y percevait le spectre de son sort
inéluctable. Les bateaux des européens représentaient la mort alors même qu’il n’a pas encore pris la mer.
Sur le quai de Melilla m’attend le bateau des roumis
Jamais ma terre bien-aimée ne me reverra plus
Pourquoi l’émigré amazigh rifain, s’étonnera-t-on lorsqu’on lit ou écoute cette poésie, part-il alors en Espagne, à une guerre de laquelle il était persuadé de ne jamais revenir ? La réponse réside dans de nombreuses illustrations dans cette poésie. Observons ce distique rapportant le propos de jeunes rifains en partance pour l’Espagne, qui décrivent la sécheresse et la désolation de leurs terres, sur lesquelles ne poussent plus que plantes épineuses, pour cela même que la main d’oeuvre a élu refuse en Algérie après la guerre du Rif, laissant à l’abandon les terres arables, en plus de la pénurie des semences et l’insupportable joug des impôts :
Nous nous sommes engagés dans l’armée sans que de quelque déshonneur nous soyons coupables
C’est seulement que sur nos terres ne pousse que le jujubier sauvage
L’apparition du jujubier sauvage sur une terre est synonyme d’abandon et de désolation ou que cette terre a été frappée de sécheresse de longues années durant, à tel point que la seule ombre à espérer est celle de ces jujubiers exubérants, comme plantés en plein désert.
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1- Distique que les femmes et les hommes qui ont vécu pendant la guerre civile avaient l’habitude de fredonner. Il est à noter que ces hommes et ces femmes qui apprennent et transmettent ces vers ressentent une certaine pudeur à dévoiler leur identité pour des raisons sociales évidentes et de convenance. Je tairai donc leurs noms pour la  même raison

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1 Comment

  1. El Oujdi Menquci
    09/02/2013 at 14:27

    On a nos problèmes , on a aussi une émigration forcée que le système veut.
    On est WAJDIS , on a rien a voir avec le rif , on a des problèmes qui sont plus gros , Merci.

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