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La langue et la pensée, quelle relation ?

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Tayeb Zaid

J’ai lu tout dernièrement une petite réflexion sur l’espace bleu dans laquelle son auteur, un homme de philosophie, comme il se définit lui-même, prétendant qu’il y a une relation dialectique profonde entre la langue et la pensée….’’, Il ajoute que ‘’ le problème de la langue arabe est dû au mode de pensée de son peuple, qu’une langue ne peut pas être grande et produire de la science alors que son peuple est plongé dans les superstitions’’1
Tout d’abord, la relation qui peut exister entre la langue et la pensée n’est pas une relation dialectique comme l’affirme l’auteur du message mais une relation de contigüité, de métonymie, une relation de contenant à contenu. Si la langue est le contenant, la pensée est son contenu, si elle est la forme, la pensée est son fond, si la première est l’habit, la seconde est le corps qui le porte. En conséquence, on peut mettre dans le contenant n’importe quel contenu, pourvu que celui-ci puisse s’insérer dans celui-là . Que l’on prenne à ce propos quelques exemples tirés du quotidien pour illustrer au mieux ce que je viens de dire et qui pourrait contredire ou désavouer l’auteur de la réflexion.
Que l’on prenne un contenant en verre, en porcelaine, en cristal, en plastique ou en papier( sous forme de gobelet), il est possible d’y mettre n’importe quel contenu sous la forme liquide ou solide :eau, jus, café, thé, soda, ou en faire un crachoir de circonstance ou un garde objets (petites monnaies, faux bijoux, boutons de couturière…) dans certains emplois dérivés et peu coutumiers. La fonction du contenant est de recevoir le contenu auquel il donne sa forme, une forme plus ou moins parfaite. Le contenant de quelque forme et de quelque matière qu’il soit est un réceptacle conçu pour recevoir un contenu auquel il est destiné. Mais cela n’empêche que le contenant peut être utilisé pour un autre usage que celui pour lequel il a été conçu (crachoir, tirelire pour petites monnaies, garde objets pour les boutons de la couturière…)
On peut demander à l’auteur de la réflexion selon laquelle il y aurait une relation dialectique entre la langue et la pensée où il peut voir et défendre cette soi-disant relation.
Je vais essayer de donner un second exemple pour rapprocher encore plus la relation dite dialectique entre la langue et la pensée. Mon second exemple, et on peut en donner d’autres, consiste à assimiler le rôle de la langue et de la pensée à celui d’un vêtement que peut porter une personne. Si le vêtement, quelque forme qu’il puisse avoir et de quelque matière qu’il puisse être fait est le porté ou le vêtant, la personne est le portant, le vêtu. L’habit pourrait être une robe de gala, une chemise de soie, une soutane, une djellaba, une guenille sale et repoussante ou simplement un cache sexe, et la personne qui porte cet habit un prince ou un roi, un star ou une mariée, un prêtre ou un derviche, un sans abri ou un va nu pied. Ceci dit et de cette manière, la langue n’est qu’un réceptacle pour la pensée et comme telle, elle peut exprimer les choses nobles de manière noble, et les choses viles de manière vile, ou inversement, désigner le vil par le noble et le noble par le vil.
Quand la Rome et la Grèce antiques étaient à leur apogée, les écrivains et philosophes de ces deux civilisations n’ont pas écrit simplement des traités sur la guerre, la politique, les calculs, la philosophie, les éléments de la nature ou la façon de se tenir en société, des Odyssées, des épopées….ils ont également écrit des mythes , des fables, des histoires de centaures, de Sphinx, d’Icare, de dieux (Bacchus, Eole, Eros, Psyché,…). La langue n’est en fin de compte qu’un instrument qui sert à raconter, informer, décrire, persuader…Elle peut faire cela de manière laudative ou péjorative, dans un niveau de langue soutenu châtié ou populaire relâché, argotique ou obscène, neutre ou marqué. Elle dispose de tous les tours pour faire d’une masure un monument ou d’un lion un chat, d’un poltron un héros de légende ou d’une grande expédition un mensonge : Rolland et son Olifant, Shéhérazade, Sindbad, Œdipe, Sisyphe, Prométhée…mais il y a également, Popeye et Olive, Tom et Jerry, Blek le Roc et Occultis, Tintin et Milou. Et bien d’autres dont la langue (arabe ou autre !!!!) narre les aventures et les exploits. Quelle valeur ajoutée peuvent donc ajouter à la science ces personnages de légende, de mythes et de bandes dessinées ?
Si le peuple est encore à l’état des superstitions qu’il nourrit et développe c’est que ceux qui croient qu’ils ont un peu de science et de savoir dans la tête, une pensée scientifique, comme cet autre, c’est que, eux-mêmes, ne réussissent pas à se défaire de la pensée commune qu’ils continuent à faire perdurer, à bon ou à mal escient.
Je dirai donc, pour finir, que la langue est un contenant, et comme telle, elle peut recevoir tous les contenus auxquels elle donnerait leur forme. La langue ressemble en quelque sorte à un habit qui épouse la forme de la personne qui le porte, renseigne dans certaines situations sur son sexe et son statut (robe d’avocat, robe de gala, robe de prêtre..), sur sa corpulence (grosse, maigre), sa taille (grande, petite)…La pensée scientifique ne naît pas de la langue qui en est l’expression, mais elle germe dans des têtes savantes et concrétisée par les outils qu’offre la langue.
1-J’ai fait de mon mieux pour rester le plus proche possible du texte de l’auteur.

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