Il se regarda dans le miroir, se versa de l’eau de toilette dans les paumes flasques et rosâtres et se papota les joues joufflues et adipeuses. Il sifflota son air préféré, prit son peigne à manches dorées, se le passa dans ses cheveux hirsutes et graisseux et son oeil gauche lui fit un clin en signe de satisfaction. Il posa le peigne et ajusta sa veste qui lui fit rappeler qu’elle venait de subir la veille le supplice du fer à repasser et qu’il était inutile de lui tirer encore et encore les oreilles et qu’il devait se contenter de se tirer les oreilles et de les nettoyer. Il ajusta sa cravate mauve et serra bien le noeud qui toussota suite à cette strangulation. Le noeud, mécontent de ce geste gauche et maladroit se desserra et souffla. Il sifflota encore son air préféré et se regarda de biais dans le miroir, se sourit et quitta la salle de bain. Mais un appel le fit revenir sur ses pas.

– Mon bisou matinal!, lui demanda son image qui demeura pointée dans le miroir.

Il embrassa son image et lui sourit. Son image ne lui rendit pas le sourire. Il recommença l’embrassade avec plus d’amour et se répéta la rengaine habituelle:

– Suis-je vraiment parlementaire!?

Son image satisfaite, lui sourit et lui souhaita une bonne journée.

Il sortit de la salle de bain toujours en sifflotant son air préféré et se trouva face à sa femme qui le dévisagea d’un air sévère et lui cria au visage:

– Qui t’a embrassé sur la joue, mouflon?!

– !…

– Avoue, tu ne peux pas me mentir, même si tu as l’habitude de parler et de mentir… je sais que tu parles et mens au parlement, mais chez moi ce n’est pas le parlement, c’est le moment parlant…avoue… tu me trompes! avec qui?

– Mais rien qu’avec mon image!..

– Depuis quand tes semblables ont-ils une image?!

§