L’Oriental au cœur de l’immigration clandestine
Les mouvements migratoires se sont tellement amplifiés partout dans le monde que l’immigration clandestine est devenue un phénomène mondial qui se globalise et nécessite en conséquence des solutions globales. L’Afrique et plus particulièrement l’Afrique subsaharienne est la plus touchée par ce fléau.
Selon des informations recueillies par La Gazette Du Maroc dans la région de l’oriental auprès de clandestins, d’ONG et des institutions, diverses causes incitent des centaines de milliers à prendre la route de l’immigration, la voie du salut. Au fait, explique-t-on, déficits socio économique, retard démocratique, troubles sécuritaires, instabilité politique, conflits ethniques, guerres civiles et épidémies constituent les principales causes de la migration pour ces populations désespérées et en désarroi. Et rien ne semble pouvoir dissuader ces clandestins de renoncer à leur dessein, leur rêve longtemps nourri. Aussi et après avoir traversé le désert, ils tentent par tous les moyens la traversée méditerranéenne pour rejoindre l’Eldorado européen ou, croient-ils, ils pourront mener une vie sereine et décente et se construire un avenir
MIGRATION CLANDESTINE, UN PHENOMENE GLOBALISANT
A vol d’oiseau de l’Europe, le Maroc est devenu, pour des centaines de milliers d’immigrés clandestins et même des filières asiatiques, non seulement un pays de transit mais, au fil du temps un pays d’accueil. Toutefois, l’oriental et surtout sa capitale subissent les plus fortes pressions de ces flux migratoires massifs.. En effet, par sa position géographique la ville d’Oujda est doublement sollicitée. Elle est, de fait, la principale porte d’entrée pour la quasi totalité de ces émigrants et elle est aussi le seul point de refoulement terrestre d’immigrés arrêtés en situation irrégulière
Parallèlement à l’ampleur que prennent ces mouvements, s’est développée toute une nouvelle forme de commerce, celui des êtres humains qui représente un extraordinaire marché juteux pour des trafiquants sans scrupule. Ces réseaux qui entretiennent l’espoir de cette « marchandise humaine » en désarroi et nourrissent leur rêve, se sont implantés aussi bien dans les pays émetteurs que dans les pays de transit et d’accueil. Certains immigrés, expérimentés, se sont d’ailleurs, reconvertis en passeurs en raison des bénéfices à tirer de ce commerce illicite, précisent des sources bien informées.
Des mesures répressives draconiennes
Face à cette problématique épineuse, le Maroc n’est pas resté les mains croisées. L’état devrait protéger ces frontières, garantir la sécurité de ses populations et leur épargner les répercussions socio économiques néfastes de ces flux massifs d’autant plus que ce phénomène par son ampleur et sa complexité, constitue une véritable menace, un danger imminent pour notre stabilité politique et notre essor économique en raison des éventuelles connexions que pourrait avoir cette immigration clandestine avec des réseaux terroristes et narcotrafiquants qui financent le terrorisme. Afin de parer à ce problème sécuritaire au niveau de la région de l’oriental, les autorités locales en étroite collaboration avec les différents services de sécurité ont réagi énergiquement à ces arrivées massives. La Sûreté Nationale , la Gendarmerie Royale , les Forces Armées Royales et les Forces Auxiliaires ont mobilisé d’importants moyens humains et logistiques pour mettre sur pied, en milieux urbain et rural, des dispositifs de contrôle et de surveillance efficients de manière permanente.
Ainsi, les services de police à Oujda ont dressé, au niveau des points d’infiltrations parallèlement au tracé frontalier Est, de nombreux barrages fixes en plus des unités mobiles qui épient les quartiers urbains et périurbains. De leur côté, les F.A, selon des sources très proches du dossier, ont monté deux dispositifs de lutte contre l’immigration clandestine, la contrebande et le trafic des stupéfiants. Au nord, un dispositif maritime s’étend sur 209 kilomètres de côte de Oued Nakkour dans la province de Nador à Oued Kiss dans la ville de Saidia dans la province de Berkane. Le dispositif terrestre, long d’environ 700 Km commence à Oued Kiss et se termine à Oued Nasseur au Sud de la province de Figuig. Pour contrecarrer toutes les tentatives d’infiltrations au Maroc et en Espagne, les F.A, selon des responsables, ont installé le long de ces deux tracés maritime et terrestre des centaines de postes et mobilisé d’importants effectifs et moyens logistiques (caméra, radars, jumelles infra rouges nocturnes) outre des unités mobiles qui effectuent des patrouilles systématiques le long de la lanière frontalière. La même mobilisation, apprend-on, est menée avec le même acharnement par la Gendarmerie Royale et les F.A.R en rase campagne dans la région. De fait, le résultat ne s’est pas fait attendre
Des résultats probants
En terme d’arrestations d’immigrés en situation irrégulière, des statistiques officielles fournies à La Gazette Du Maroc, révèlent que plus le nombre d’immigrés interceptés s s’élève, plus celui des arrivées tend à la baisse . Cette tendance à la baisse, visible à Oujda, est confirmée par des services de sécurité. Selon le service préfectoral des renseignements généraux, si la région a connu durant ces 10 dernières années de considérables flux migratoires avec un pic d’environ 2000 clandestins en 2008, l’arrivée de clandestins a sensiblement diminué ces dernières années sous l’effet des mesures coercitives et répressives sévères. La tendance à la hausse des arrestations et celle à la baisse des arrivées sont réitérées par des sources proches des F.A. D’après ces sources, environ 1600 immigrés clandestins ont été arrêtés dans l’oriental en 2007 contre environ 3000 en 2008. Par ailleurs, poursuivent nos sources, les éléments des F.A ont avorté, au niveau du tracé frontalier maritime, 27 tentatives de traversée maritime en 2007 contre 35 en 2008 et arrêté en conséquence, des centaines d’immigrés dont des nationaux qui s’apprêtaient à prendre le large à bord de zodiacs.
Mais des actions humanitaires aussi
Afin d’atténuer les souffrances de ces populations, des composantes de la société civile leur apportent, de façon régulière, soutien, aide et assistance immédiats et directs. C’est le cas, entre autre, de l’association “Médecins Sans Frontières“ et du centre d’assistance juridique et administrative aux réfugiés et demandeurs d’asile créé en 2007 dans un cadre de partenariat entre le bureau du HCR et l’OMDH – section Oujda .
Ce centre qui ne cible que les réfugiés ou demandeurs d’asile reconnus comme tels, est intervenu au terme de l’exercice 2008 pour assurer des soins médicaux à une centaine de maliens, congolais et ivoiriens. Mais la mission essentielle de ce centre est, selon Mohammed Amarti professeur à la faculté de droit Oujda et militant des droits de l’homme, d’assister ces personnes sur les plans juridiques et administratives et les accompagner dans toutes les procédures du certificat de reconnaissance pour l’obtention de permis de séjour dont la validité par les autorités marocaines nécessite, selon notre interlocuteur, beaucoup temps Ce retard est source de problème avec les services de sécurité qui considèrent l’immigré en situation irrégulière malgré la demande déposée auprès du HCR à Rabat. Mais, souligne-t-il, comme nous entretenons une collaboration positive avec le service préfectoral des R.G, nous recevons souvent des réponses favorables à nos requêtes et les immigrés interceptés sont relâchés. En outre, une aide pécuniaire d’urgence est accordée aux demandeurs d’asile en cas de déplacement. Le centre leur paie le voyage- Aller Oujda / Rabat
Pour Médecins Sans Frontières, l’intervention de l’association consiste, déclare Juan Alberti coordonnateur régional à La Gazette Du Maroc, à faciliter l’accès aux soins aux immigrés en cas de maladies, blessures, accouchements…. , garantir leur sécurité physique pendant leur accompagnement et leur assurer la gratuité des soins. « Les contacts se font par téléphone en général mais nous rencontrons de sérieux problèmes dans notre activité du fait qu’ils éprouvent une peur terrible de se montrer et de se faire arrêter par la police ». Toutefois, poursuit-il, au titre de 2007, nous avons réaliser 1226 visites en 2007 et 2717 en 2008. Il s’agit, précise le coordonnateur italien, de consultations directes pour pathologie banale, accompagnement aux centres de santé, hôpital, laboratoires d’analyses ou pour maladies, actions préventives (contrôle prénatal, vaccination…etc.)
En outre, de nombreux mécènes, reconnaissent des immigrés, viennent bous rendre visite surtout lors des fîtes religieuses et pendant le mois de ramadan pour nous offrir produits alimentaires, effets vestimentaires et nous donnent même un peu d’argent.
Une coopération de lutte à réajuster
En l’absence d’une politique équitablement concertée et sciemment réfléchie avec l’union européenne et tous les pays émetteurs et de transit, tous les efforts déployés par le Maroc, état et société civile, risquent de péricliter. Au fait, cette équation épineuse ne peut se régler unilatéralement et le Maroc, pays en voie de développement, ne peut supporter le coût de la lutte anti migratoire qu’il mène. En effet, à ce jour, le Maroc et l’Algérie ne développent pas une politique commune de lutte contre ce fléau. Par ailleurs les autorités algériennes n’appliquent pas l’accord de réadmission des refoulés qui pourtant s’étaient infiltrés via l’Algérie. Les immigrés arrêtés en situation irrégulière et refoulés en conséquence aux frontières sont immédiatement repoussés vers le Maroc par les militaires algériennes comme le confirment des clandestins. Quant à l’Union Européenne qui a confié, dans le cadre de conventions de collaboration, la lourde mission de rempart protecteur contre l’arrivée massive des immigrés clandestins en Europe, pour ne pas dire de jouer le rôle de gendarme et de lui servir d’arrière- frontière, elle se défausse sur le Maroc au lieu d’assumer sciemment ses responsabilités vis-à-vis de ces populations en désarroi et du Maroc qui subit de plein fouet les conséquences de ce fléau dont les conséquences commencent à peser lourd sur les secteurs social et économique du Royaume. Les effectifs mobilisés sont essoufflés et il faut les renforcer. Les moyens logistiques utilisés souffrent d’usure et il urge de les restaurer ou leur suppléer des moyens plus adaptés, modernes et sophistiqués, comme le souligne un responsable des F.A. A signaler aussi les mesures répressives qui ont rendu presque impossible l’arrivée de clandestins en Europe via le littoral nord du Maroc et la non réadmission des refoulés par l’Algérie mettent des milliers d’immigrés clandestins dans une situation de stand by au Maroc. Ils ne peuvent pas s’infiltrer en Europe, ne sont pas réadmis en Algérie ni rapatriés. De fait, leur séjour prolongé a fait du Maroc qui n’était qu’un pays de transit, un pays d’accueil. Ce stand by qui a fait du pays un centre de rétention officieux, aboutira à terme à la constitution de communautés étrangères. En clair, Il est temps de revoir la coopération anti migratoire avec l’U.E surtout en terme de financement et de sommer l’Algérie de respecter ses engagements et assumer ses responsabilités.
Oujda, centre de rétention
Contrairement à leur dessein, le destin a fait des sésyphes de ces milliers de ces subsahariens qui ont choisi la route périlleuse de l’immigration. Ils ne peuvent aller en Europe ni retourner au pays d’origine, ils se trouvent en situation de stand by. Pourchassés par les services d’ordre en milieu urbain, quelques 400 immigrés clandestins, toutes nationalités confondues, se sont retranchés dans l’enceinte de la faculté de droit de Oujda ou ils ont constitué deux communautés ; l’une anglophone majoritaire, l’autre francophone. Réputé depuis l’opération de ratissage musclée d’octobre 2007, ce camp est considéré base arrière de l’immigration clandestine à Oujda. Par ailleurs, tout prés, d’autres clandestins se sont retirés dans la forêt de Sidi Mâafa pour être à l’abri de toute éventuelle descente des services de sécurité. Ces camps de fortune ne représentent que la partie visible du drame que vivent les migrants. Des dizaines de camps existent le long de la lanière frontalière à Oujda, selon des sources bien informées. La Gazette Du Maroc a rendu des visites à certains camps et a découvert une réalité amère.
Obama à Oujda
Il ne s’agit pas de Barak Obama, président des USA, mais tout simplement d’un nigérian de 4 mois, issu de l’immigration clandestine. Pour exprimer sa fierté que l’Amérique ait élu pour la première fois un président de couleur et d’origine africaine, sa mère Fova l’a baptisé Obama. Elle est, dit-elle, convaincu que le nouveau président apportera du nouveau et réduira les écarts entre le Nord, riche, et le Sud, pauvre. Quant au petit Obama, il vit avec ses parents parmi une centaines d’immigrés dont 52 hommes, 30 femmes et 7 enfants. Eux aussi, à l’instar de tous les migrants, ont élu domicile dans ce camp ou grâce à l’aide et soutien d’ONG, a été dressée une vingtaine de tentes en plastic dont deux servent de salle de bain. Pour les besoins, toute la vaste étendue désertique peut servir de petit coin « WC »
Les enfants et les femmes ne se rendent en ville que pour recevoir des soins médicaux ou faire des achats personnels. Les hommes sont obligés de parcourir à pied prés de 15 Km pour se rendre aux souks hebdomadaire ou bi hebdomadaire, à des cemetières et au centre ville. Survie oblige : Ils y vont pour faire la manche avec la trouille au ventre. Ils redoutent que la police les interceptent et les refoulent. Certains d’entre eux travaillent, quand l’occasion se présente mais en cachette, dans des fermes ou des chantiers ; d’autres vendent des sacs en plastic. Un seul homme ne quitte le camp qu’en compagnie d’un membre de MSF. Henry, jeune nigérian de 20 ans raconte qu’il a été brutalement tabassé en rase de campagne par un élément de sécurité en juillet 2008. Pour se déplacer, il se sert de béquilles qu’une ONG lui a procurées.
Mais parmi ces populations on ne retrouve pas que les sages. Outre la mendicité, certains immigrés clandestins se livrent à divers actes criminels. Des statistiques, fournies par le service préfectoral de la police judiciaire au titre de l’exercice 2008, fait état de 153 arrestations pour divers motifs dont escroquerie à l’africaine., faux et usage de faux, détention de documents d’autrui …..
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