Ain Sfa et sa jeunesse
Zaid Tayeb
Les habitants de Ain Sfa ne sont ni des montagnards ni des campagnards, ni encore moins des paysans. Ils se sont urbanisés. Ce sont des citadins à part entière et rien ne les distingue de leurs concitoyens des grandes villes. Ni les travaux des champs, ni leur présence dans les pâturages ne leur dévorent désormais leurs journées, ni les longues et interminables parties de cartes et de dames ne leur revendiquent leur droit à l’exhumation. La sécheresse et le téléphone portable ont bouleversé leur train de vie. Les jeunes garçons d’aujourd’hui ne sont plus pareils à ceux d’autrefois. Ils se coiffent et s’habillent à la manière des stars de cinéma ou de football, voyagent de à travers les différents réseaux sociaux pour occuper leur temps récupéré sur celui des travaux des champs et de la garde du cheptel. On ne les voit plus cracher de côté ou se moucher dans les manches de leur djellaba comme ceux d’autrefois, dont je fais partie quand j’étais scolarisé dans la petite école de Ain Sfa. Ils ne parlent plus avec l’accent rude et presque belliqueux de la campagne. Les sujets de leurs conversations sont ceux des jeunes des grandes villes : le Barça et le Réal, le Widad et le Raja, l’Ukraine et la Russie, la cherté de la vie, l’absence d’horizon et l’émigration sous sa forme légale ou clandestine. Eux aussi sont touchés par l’oisiveté et le manque d’ouvrage.
Tout cela est évident car il est observable avec ce qu’il a d’heureux et de malheureux, de gai et de bien triste, de beau et de laid.
Tout comme ses habitants et surtout les jeunes d’entre eux, Ain Sfa a, elle aussi, été frappée par les changements, et en bien, après ce qu’elle avait enduré en terme d’indifférence, de ruine, de misères, surtout à l’échelle culturelle et cultuelle, je veux dire surtout et en particulier. Une école et un collège modernes avec transports scolaire et internat, une école pour les études islamiques y a été édifiée afin d’accueillir en son sein de jeunes garçons venus des quatre coins de la région compléter leur apprentissage en théologie. Ain Sfa baigne enfin dans un faisceau de lumière qui l’éclaire et l’illumine !
En ce mois sacré du Ramadan, il m’arrive de faire ma prière de Dhor et celle de l’Acha suivie de Tarawih.
La récitation de mémoire du Hizb par le fkih et ses élèves de l’école coranique et la lecture Livre en main par les fidèles sont d’une beauté qui fascine. Le fkih, micro épinglé à sa poitrine donne le ton à ses élèves et aux fidèles qui, tous, réglés comme une horloge suisse récitent de mémoire ou lisent à haute voix les versets du Sain Coran. Un chef d’orchestre avec sa chorale ne ferait pas mieux. Dans un climat mystique, spirituel et pieux, les voix angéliques, veloutées, presque enfantines, entonnent le Hizb. Elles suivent le ton et le débit du fkih dont la voix grave, amplifiée par les hauts parleurs, se démarque de celle des autres. Les moments forts sont signalés par les voyelles orales longues [a], [ o] [ i], en initiale, médiane ou finale et [a], [u], [i] suivies de la consonne nasale [n] en finales absolues (ane), (oune), (ine) ;[an], [un],[in]. La parole de Dieu retentit dans la petite mosquée qu’elle renvoie aux sept saints aux coupoles blanches avec à leur tête le saint patron de la petite commune qui trône du haut de sa colline. En ce mois sacré de ramadan, les jeunes élèves de l’école coranique de Ain Sfa, tout jeunes et frais qu’ils sont, se relaient à tour de rôle pour présider la prière nocturne des Tarawih sous ‘’l’oreille attentive’’ du fkih qui intervient de temps en temps pour relancer une récitation hésitante ou embrouillée.
Aucun commentaire