Les oubliés d’ici et d’ailleurs
Hajar IKKEN
Cela fait trois mois qu’ils souffrent en silence, leur drame a commencé le 13 mars. Ce sont les oubliés de la mère patrie, les oubliés du Maroc. Ce sont ces Marocains restés bloqués à l’étranger. En l’absence des statistiques officielles exactes, les chiffres, circulant sur la presse, parlent d’environ 32 000 Marocains bloqués à travers le monde : en Europe (4000 en Espagne, 1000 en Belgique, 4500 en France), en Asie, en Afrique, aux pays du Golf, … pour ne citer que ces régions.
Certains ont laissé un parent malade, en état de fragilité, ou un bébé. D’autres risquent de perdre leurs postes, à cause de ce long séjour imprévu, alors qu’ils sont partis pour une formation de quelques jours ou juste pour une opération chirurgicale. Entre l’épuisement des ressources financières, la difficulté de se nourrir et se loger, et bien sûr l’épuisement physique et moral, les tristes témoignages sont multiples, mais ils n’ont qu’un seul titre en commun : la douleur.
Il ne faut pas oublier, qu’il y a une autre catégorie des Marocains bloqués, suite à la suspension du trafic maritime et aérien, cette fois, il s’agit des ressortissants marocains résidant à l’étranger, qui se sont retrouvés bloqués au Maroc, loin de leurs familles et dans une situation vulnérable, assez similaire.
En effet, le 13 et le 14 mars le gouvernement marocain a annoncé la décision de suspendre tous les vols aériens et le trafic maritime depuis et vers le Maroc, afin de faire face à la propagation massive et sauvage de la Covid-19. Cette mesure préventive est hautement saluée à l’échelle nationale et internationale ; elle fait preuve d’une grande lucidité en matière de la gestion de la crise pandémique.
Toutefois, la situation perturbée, engendrée par la pandémie, exige une multiplication d’effort, surtout lorsqu’il s’agit d’un dossier complexe où la dimension humaine et psychique intervient à côté de ce qui est social et économique. Mais malheureusement le traitement du dossier des Marocains bloqués à l’étranger, manquait d’urgence. Il fallait attendre jusqu’au 9 juin pour que le ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nacer Bourita, quitte son mutisme et annonce le début du rapatriement des Marocains bloqués en Espagne. Cependant, aucun plan détaillé ou stratégie claire avec des dates précises, n’ont été communiqués ; Monsieur le ministre se contentait de dévoiler les prochaines stations de l’opération : après l’Espagne, viendra le tour de la Turquie, la France, les pays du Golfe, puis les pays africains.
Malgré les rapatriements qui ont concerné l’Algérie, les deux villes marocaines sous l’occupation espagnole : Ceuta et Melilla, l’Espagne, la Turquie, des milliers de Marocains restent encore coincés à l’étranger. En Espagne, à titre d’exemple, plus que la moitié (sur environ 4000 personnes) demeure bloquée.
« Le temps de l’attente ressemble au temps de la sécheresse ; toujours trop long. », écrit la romancière québécoise Jovette Marchessault. L’attente, c’est l’autre facette de la mort, car rien ne bouge, rien ne se passe, on est là et on attend. Dans l’espoir d’une solution salvatrice et urgente, qui met un terme à ce cauchemar, qui a duré aussi longtemps que ce qu’il fallait, la souffrance des oubliés d’ici et d’ailleurs continue jusqu’à un nouvel ordre.
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Bien dit et écrit