Les règles de la méthode de recherche
Les règles de la méthode de recherche
Jilali Chabih – Pr. de droit et de Méthodes de recherche – FSJES – UCAM – Maroc
Partons du postulat «qu’on écrit pour dire quelque chose », quelque chose de valable, à tout le moins ! Puisqu’une connaissance, une recherche qui se veut, ou entend être, scientifique ne peut le prétendre qu’autant qu’elle est valable pour les scientifiques. Ainsi, la manière d’aborder un sujet de connaissance exigeant, objectif, requiert la considération de trois aspects fondamentaux : le point de vue adopté, objet d’étude, la méthode de recherche utilisée et surtout une certaine normalisation didactique. Aussi pour appréhender une problématique, quelle qu’elle soit, le chercheur est-il amené à choisir une méthode et des techniques. Ce qui, bien évidemment, dépend du type de recherche poursuivie et de la nature de l’hypothèse de recherche, c’est-à-dire la proposition avancée relative à l’explication du phénomène étudié admise provisoirement avant d’être soumise au contrôle de l’expérience. Autrement dit, la proposition d’explication, ou l’hypothèse sera, in fine, au terme de la recherche entreprise, infirmée ou confirmée par la nature des résultats obtenus. En effet, on peut toujours se demander, avec Ibn Khaldun d’abord (14ème s.), puis Claude Bernard ensuite (19ème s.), si les mêmes conditions créent les mêmes effets, si les mêmes causes produisent les mêmes résultats.
1)- Normalisation didactique et déontologique
Je me dois au devoir de dire la vérité : «cet accord de la pensée avec la chose» (Lachelier). Nous ne prenons guère le chemin de nous rendre sages, disait Molière. Au contraire, constatait récemment un sociologue, nos jeunes, nos élèves, nos étudiants, veulent tout, tout de suite et sans effort. D’où le problème des subterfuges, des voies faciles, des voies plagiaires. Le fléau du plagiat scolaire comme universitaire est conforté par cette culture de facilité, cette absence de persévérance, d’effort et d’exigence, ce manque de qualité et de rigueur. Une telle attitude ne s’embarrasse d’aucun scrupule, et pourtant c’est un vol intellectuel, un acte délictueux réprimé par le code pénal. Le plagiaire est un tricheur, un contrefacteur, un pilleur de la propriété intellectuelle d’autrui. J’évalue ton travail selon les règles de déontologie ! Je te jugerai selon ta voie (Bossuet), je te jugerai selon ta conduite morale… ! «N’écris rien dont tu aies à rougir dans les moments de suprême solitude, la mort plutôt que la tricherie ou le mensonge» (Cahiers, E. Cioran).
2)- Collecte des données, analyse des documents et structuration des travaux
Quatre étapes doivent, en l’espèce, être prises en considération :
La 1ère étape est la collecte sélective, approprié, des données ; la collecte des données ayant précisément trait à la question, au sujet, exige un effort soutenu, précis et continu, et suffisamment long pour pouvoir asseoir solidement son travail scientifique.
La 2ème étape est l’exploitation des données et leur traitement, c’est la phase de l’étude, de l’analyse, de la prise des notes, et de l’accumulation du savoir.
La 3ème étape est la structuration des travaux, c’est la phase de la conception, de la réflexion, de la critique, de la synthétisation, de la modélisation ou de la théorisation. C’est au niveau de cette étape que l’on peut poser une règle, élaborer une loi, construire une théorie.
La 4ème étape est la relecture pour correction, une première, une deuxième, une troisième fois. Aussi, pour avoir quelque chose de valable, scientifique, les révisions et les épurations successives sont-elles indispensables : «hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. Polissez-le sans cesse et le repolissez. Ajoutez quelquefois, et souvent effacez » (Boileau).
En effet, c’est à ce niveau là qu’intervient la méthode à suivre, au sens précis, c’est-à-dire l’ensemble d’attitudes, de conduites, de comportements, que suit l’esprit pour découvrir et démonter la vérité dans un domaine scientifique précis. La vérité ? Qu’es-ce que la vérité ? C’est cette démarche objective, positive, scientifique qui tend vers l’authenticité de l’objet étudié. C’est la conformité de la connaissance au réel, du savoir au véridique, opposé à l’erreur, à l’illusion, à l’ignorance, au mensonge, à la rumeur, à la propagande… Quoiqu’elle demeure relative, la science approche sans cesse de la vérité, à l’instar d’une asymptote, même si elle ne la touche jamais (V. Hugo). Et c’est normal, ne dit-on pas que la vérité est au fond d’un puits ? Elle est certes enfouie, et même mouvante, fluctuante : «Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà !» (B. Pascal).
3)- Méthodes de recherche, techniques de recherche et modes de réflexion
Ce sont ces trois aspects : méthodes, techniques et modes, que nous analyserons à présent successivement.
a)- Les méthodes de recherche,
On distinguera une kyrielle de méthodes qui vont de la simple constatation jusqu’à la complexification. On aura ainsi la méthode descriptive, analytique, synthétique, didactique, dialectique, déductive, inductive, objective, subjective, comparative, historique, structuraliste, fonctionnaliste ou systémique. On aura aussi en apprentissage de la lecture, la méthode globale, ou en psychothérapie la méthode Coué (Emile Coué, La maîtrise de soi-même par l’autosuggestion consciente, 1926). Ce sont toutes des méthodes de recherche qui ont pour fondement la description, l’analyse, la synthèse, la didactique, la dialectique, la déduction, l’induction, l’objectivité, la subjectivité, la comparaison, l’histoire, la structure, la fonction ou le système, et dont le degré de scientificité diffère d’une méthode à l’autre et d’un chercheur à l’autre.
Toutefois, si l’on veut expliciter davantage certaines d’entre elles, je dirais par exemple que la méthode scientifique de recherche empirique, est une méthode pragmatique, qui reste au niveau de la praxis, et qui s’acquiert par la pratique, par l’expérience.
La méthode expérimentale consiste dans l’observation, la classification, l’hypothèse et la vérification par des expériences appropriées, des expériences scientifiques dans des laboratoires, et qui peuvent être très utiles, en ces temps de crise sanitaire pour la recherche de traitement contre le Coronavirus.
La méthode clinique inspirée de la médecine consiste dans la sémiologie, le diagnostic, l’étiologie et la thérapeutique. Elle est fort enrichissante en ce moment de malaise et d’inquiétude pour apporter des réponses satisfaisantes en matière de vaccin contre le Covid -19, voire le Sars-Cov-2.
La méthode rationnelle relève de la raison, du raisonnement sensé, judicieux, avec ses instruments d’analyse : induction, déduction, analogie, logique…
La méthode quantitative a pour objet l’étude des grandeurs, des choses mesurables, la quantité, le nombre, …
La méthode qualitative a pour objet l’analyse de l’aspect sensible et non mesurable des choses comme l’attribut, le caractère, la propriété, l’aptitude, la capacité, le mérite, l’excellence.
La méthode historique basée sur la connaissance scientifique de l’évolution des événements et des faits sociaux. Ainsi, par exemple, l’histoire des épidémies et pandémies : causes d’apparition, de propagation et d’extinction, conséquences sanitaires, socio-économiques, psychologiques et mesures structurelles de prévention et de prophylaxie. C’est un projet de recherche scientifique proposé par nos soins à l’Université et qu’est en attente de financement).
b)- Les techniques de recherche
Les techniques de recherche sont l’ensemble de procédés employés pour produire une œuvre ou obtenir un résultat. Autrement dit, c’est le métier, c’est le savoir-faire, qui s’acquiert avec l’expérience, la constance et la persévérance, et qui nous permet de définir une problématique, d’émettre une hypothèse, de parfaire un travail, d’élaborer une loi, d’établir un modèle ou de concevoir une modélisation.
On relèvera ainsi l’observation en situation qui est l’observation systématique, neutre (ou désengagée) ou participante des individus ou des groupes ; le chercheur va sur le terrain et constate par lui-même les faits, recueille les informations, prélève les données, à l’exemple d’un sociologue étudiant un bidonville, ou d’un ethnologue vivant avec une peuplade pendant un certain temps. Il est nécessaire également de prendre en compte l’entrevue, l’entretien ou l’interview, qui est la technique d’interrogation, de questionnement, et la qualité du groupe ou de l’individu interrogé, avec une fréquence correct d’échantillonnage. L’intervieweur pose des questions à l’interviewé sur la base d’un canevas d’entretien bien conçu. Il peut être sobre et objectif, comme il peut être superficiel et tendancieux.
Le questionnaire est un imprimé d’une série de questions (fermées ou à choix multiple (Q.C.M.)) méthodiquement posées en vue d’une enquête (sociologique, statistique, publicitaire ou d’opinion) alors que le sondage est la scrutation d’un certain nombre d’unités (échantillon) dans une population déterminée afin de dégager certaines spécificités ou caractéristiques, et dont la qualité de l’un comme de l’autre dépend de la formulation des questions et de la représentativité de l’échantillon : enquête par questionnaire ou par sondage.
L’expérimentation est fondée sur le contrôle et la manipulation de variables, contrôle expérimental, contrôle statistique, cueillette de données ; l’analyse de contenu, est la technique de traitement de données, (documents, archives, articles, individus…), et leur interprétation (flux migratoire, chômage, échec scolaire, plagiat…). Le prélèvement systématique de l’information et son traitement se fait à partir d’une grille d’analyse. L’analyse statistique, c’est le traitement quantitatif des données ainsi relevées des populations, bilans de sociétés, enquêtes sociales… Aussi, le recours par exemple aux statistiques officielles ne tient pas toujours compte de l’économie souterraine ou de l’économie solidaire. Elles ont plutôt tendance à embellir les choses : « J’étais obligé, comme dirait Mauriac, d’embellir de misérables aventures », d’enjoliver de misérables situations !
On peut également ajouter la technique monographique qui, contrairement à un thème plus étendu, consiste dans le choix d’un objet social réduit comme l’étude de la commune, de l’entreprise, de la famille, du village ou du douar…Toutefois, aucune technique de recherche n’est parfaite. Chaque technique a ses limites, seulement, lorsqu’on opte pour tels ou tels procédés, il faut absolument que l’on soit vigilant et d’une grande rigueur dans le dépouillement des données et leur analyse, si l’on veut assurer une certaine crédibilité à sa recherche.
c)- Les modes de réflexions et les structures de pensées
Les modes de réflexions ou les structures de pensées de chaque individu, de chaque groupe, de chaque collectivité, varient selon le temps, selon l’espace et selon la culture. Aussi peut-on relever les modes de réflexions ou les structures de pensées de nature magique, religieuse, philosophique, scientifique ou idéologique.
La réflexion religieuse dite «primitive», magique ou mythique, est un système de pensée, qualifié par le sociologue Lévy-Bruhl de « mentalités prélogiques», qui explique les phénomènes par la magie, par le mythe. La magie et le mythe sont des procédés d’action et de connaissance occultes, des récits fabuleux transmis par la tradition, de génération en génération, pour expliquer les forces de la nature, caractéristiques des sociétés dites primitives, où l’irrationnel tient une grande place dans le mode de vie des individus, des groupes et des sociétés. On relèvera ainsi comme religions dites «primitives» l’animisme, le chamanisme, le fétichisme, le totémisme. Ainsi, la réflexion religieuse au sens de rapports entre l’être humain et un pouvoir surnaturel est-elle une intelligence, une vérité, je dis bien une vérité, qui échappe à toutes les sources de la pensée non religieuse. La religion est une production naturelle de la société (E. Durkheim), et ses origines se confondent avec les origines mêmes de la pensée et de l’activité intellectuelle des hommes (S. Reinach). Le droit puise ses racines lointaines dans des fondements religieux.
C’est une notion que nous retrouvons chez de nombreux auteurs : «Les idées religieuses d’un peuple marquent comme d’un sceau presque tous les produits de sa civilisation» (E. Burnouf). «Un peu de philosophie, disait Rivarol, éloigne de la religion, et beaucoup y ramène». A côté de chaque religion, constate Tocqueville, «se trouve une opinion politique qui, par affinité, lui est jointe». Et selon R. Rolland : «Religieux par nature, politicien par nécessité». Il y a différents types de religions : mythologie grecque ou romaine, druidisme celte, bouddhisme, brahmanisme, hindouisme, en Orient, judaïsme, christianisme, islam opposés à agnosticisme, athéisme…
Le mode de réflexion philosophique ou la réflexion philosophique repose sur la logique des opérations rationnelles argumentatives. Elle commence là où s’arrête la science. C’est la capacité ou la qualité de réfléchir, de penser, de chercher, de « cogiter », comme l’argument ou la formule latine «cogito, ergo sum», forgée par le philosophe R. Descartes et sur laquelle il a construit son système : « je pense, donc je suis ». La réflexion philosophique c’est aussi l’intelligence, le discernement, l’étude ou la recherche visant à saisir les causes profondes, les fondements des valeurs humaines, en envisageant les problèmes à leur plus haut degré de généralité ; que ce soit d’un point de vue axiologique (éthique, morale, déontologique), logique, esthétique, scientifique, téléologique, portant sur la finalité, (théologique, métaphasique ou ontologique) ou tout simplement idéologique.
En 1637, R. Descartes dit dans le «Discours de la méthode : «je pense, donc je suis, c’est si ferme et si assuré, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques ne sont pas capables de l’ébranler, je juge que je peux la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherche». L’expression est pensée comme «je suis tant que je pense» ou « je suis en tant que je pense » sans «donc», car ce ne fut pas le fruit d’un raisonnement mais d’une réflexion.
Le mode de réflexion scientifique est conforme aux exigences d’objectivité, de précision, de rigueur. Un scientifique, comme dirait A. Jacquard, ne croit pas, il argumente, bâtit des modèles, les contrôle. Et le droit, par exemple, tant public que privé, laissant du côté l’économie et la gestion, qui seraient plus scientifique que le droit, celui-ci, serait-il une science pour lui appliquer une approche scientifique, une approche exigeante, j’allais dire épistémologique ? Le droit serait-il comme la physique, la chimie, la biologie, l’astronomie ou les mathématiques, voire l’économie ou la gestion, pour qu’on lui applique aisément un mode de raisonnement et de réflexion scientifique ? C’est une question que l’on doit légitimement se poser. On en aura pour preuve ces parts incompressibles du religieux, du politique et d’idéologie qui font partie intégrante de tout le Droit Positif. On relèvera, par exemple, dans la civilisation arabo-musulmane, le droit musulman, l’institution du Califat, la Hisba, Wilayet al Madalim, le droit de la famille, le droit de succession, le fondement de certains régimes politiques (Al-Mawardi, 10ème -11ème s. Al-Ghazali, 11ème – 12ème s. Ibn Rochd, 12ème s. Ibn Khaldun, 14ème s. – début du 15ème).
Le mode de réflexion idéologique, se rapporte à l’idéologie qui, à l’origine du mot, signifie, selon Lalande «l’étude des idées, de leurs lois, de leur origine», et selon Testut de Tracy la science des pensées, la puissance des idées, et qui depuis, comporte plusieurs sens. Le premier qui l’a employé, dès la fin du 18e siècle, dans un sens péjoratif, comme un système d’idées vagues, creuses, une nébuleuse, en désignant ses adversaires politiques, fut Napoléon Bonaparte (1769-1824). Au sens de K. Marx et du marxisme par la suite, l’idéologie est une conscience fausse ou faussée de la réalité, c’est-à-dire voulue ou subie, une aliénation, un asservissement de l’individu, c’est toute la superstructure sociale (institutions, idées : religion, politique, droit, éducation, culture) qui n’est que la résultante de l’infrastructure économique qui la détermine : travail, capital, rapports économiques et modes de production. Dans la même connotation péjorative à peu près et marquant en quelque sorte un retour à la conception napoléonienne, le sociologue et philosophe R. Aron (1905-1983) disait à propos de l’idéologie «c’est l’opinion soutenue par mon adversaire».
Dans un sens neutre et large, l’idéologie désigne un système d’idées, de croyances et de doctrine propres à une époque, à une société ou à une classe. Le critique littéraire et sémiologue R. Barthes (1915-1980) allait dans le même sens lorsqu’il dit : « Ces biens bourgeois que sont par exemple, la messe du dimanche, la xénophobie, le bifteck-frites et le comique de cocuage, bref ce qu’on appelle une idéologie ».
Dans un sens scientifique, l’idéologie est considérée, en quelque sorte, comme un baromètre de scientificité de telle ou telle discipline. En effet, on serait tenté d’affirmer que l’on trouve davantage d’idéologie dans les sciences humaines, les sciences sociales ou les sciences molles (droit, économie, gestion, sociologie, psychologie, philosophie, histoire…) que dans les sciences exactes, les sciences pures ou les sciences dures (mathématiques, physique, chimie, biologie…) ; dans la mesure où les sciences de la matière ou du vivant utilisent le calcul et l’expérimentation alors que les sciences de l’homme étudient des réalités difficilement mesurables. De même que les sciences sociales reflètent d’une manière ou d’une autre les intérêts personnels, les intérêts de groupe, les intérêts de classe ou ceux d’une catégorie sociale. Et pourtant des médecins, des scientifiques et des professeurs de renom étaient, sous le régime d’Hitler, et bien d’autres régimes totalitaires, au service d’une idéologie nazie, fasciste, stalinienne ou Nord-Coréenne.
Par ailleurs, on peut aussi faire la distinction entre l’idéologie scientifique et l’idéologie non scientifique. Lorsque la science décrit ce qui est, ce qui existe, elle s’inscrit dans une démarche d’observation, d’expérimentation, une démarche progressiste, révolutionnaire ; et lorsque ladite science essaie de décrire ce qui doit être, ce qui doit exister, elle bascule dans l’idéologie, dès lors qu’elle se réfère à des idéaux de morale, de religion, de philosophie ou de politique. Cette distinction entre ce qui est et ce qui doit être on la retrouve également en droit : dans la distinction entre la proposition et la norme. Ainsi, le droit est-il la composante de deux aspects intimement liés : «ce qui est» ou l’aspect indicatif, descriptif ou assertif, bref la proposition, et «ce qui doit être» ou l’aspect prescriptif ou normatif. Autrement dit, le droit remplit deux fonctions fortement corrélées : l’une, la proposition, en décrivant la réalité, communique des informations, l’autre, la norme, en prescrivant l’idéalité, véhicule une idéologie : Veritas facit legem, la vérité fait la loi. Ainsi, le niveau de conscience d’un peuple détermine-t-il sa législation !
4)- Argumentation, démonstration et mode de raisonnement
J’argumente, j’explique, je démontre en décortiquant, en décomposant (analyse), en rassemblant, en composant (synthèse), en opposant, en dialectisant des contradictions (dialectique), en établissant la vérité d’une proposition à partir de prémisses considérées comme vraies (déduction ou raisonnement déductif) ; je démontre en construisant, en structurant (analyse structurale), je démontre en déconstruisant, en déstructurant (analyse par réfutation),
Si l’analyse est l’action d’analyser, de décomposer un corps, une substance, un fait, un évènement, en ses éléments constitutifs, à l’exemple de l’analyse qualitative, quantitative, comparative ou historique, l’argumentation est l’action d’argumenter, l’action de prouver par un ensemble d’idées. C’est le fait de construire un ensemble d’arguments afin de soutenir une idée, une réflexion, un schéma, un modèle, un paradigme…
Qu’est-ce que la démonstration ? La démonstration est l’action de rendre évidente, de prouver par l’expérience, la vérité d’un fait, d’une donnée scientifique, un raisonnement établissant la vérité d’une proposition à partir des axiomes que l’on a posés.
Qu’est-ce qu’un mode de raisonnement ? Le raisonnement est la faculté, l’action ou la manière de raisonner, suite des propositions déduites les unes des autres ; élaborer un raisonnement, une argumentation, c’est fonder une voie ferme, solide inébranlable.
Le paradigme, en économie, est l’ensemble de problèmes à étudier et des techniques propres à leur étude. Et de manière générale, le paradigme est un modèle de référence, une structure de pensée, un système de valeurs, de normes, de représentations, qui impactent la conception et la perception du monde.
En mathématiques, on trouve un raisonnement déductif (déduction, syllogisme), dans les sciences d’observation on trouve un raisonnement inductif (induction), le raisonnement empirique, par l’observation ou le raisonnement par analogie qui conclut d’une ressemblance partielle à une autre ressemblance plus générale. Cela pourrait être aussi une sorte de comparaison, analyse comparative, entre deux ou plusieurs termes de la comparaison pour en conclure à une ressemblance ou à une dissemblance ? De même qu’il y a un raisonnement juste, correct, il y a aussi des modes de raisonnement faux, fallacieux, bancals, illogiques, vicieux, sophistes ou paradoxaux.
5)-Mouvement de phrase, allure du style, articulation et structuration de l’ensemble
Le style, en écriture, est la manière particulière d’exprimer sa pensée (Larousse), un aspect de l’expression littéraire, dû à la mise en œuvre de moyens d’expression (Le Petit Robert). A ce niveau, on doit tenir compte de la grammaire, de l’orthographe, du style, de la syntaxe, de l’articulation et de la structuration de l’ensemble : «Concision dans le style, précision dans la pensée, décision dans la vie» disait V. Hugo.
Mouvement de phrase, allure du style, style littéraire ou scientifique, style juridique ou administratif (R. Catherine, Le style administratif, A. Michel, 1979) cohérence, rigueur et précision sont autant de sources nécessaires pour toute construction méthodique, systémique. Le style c’est le choix et la justesse du vocabulaire, c’est l’arrangement des mots et le mouvement de phrase, c’est la qualité de l’écrit, la simplicité, la clarté et l’éloquence de la communication : « Le style est l’homme même » (Buffon).
L’articulation, élément fondamental de la méthode, est une composante de la structuration dans son ensemble. Aussi, toute recherche, quelle qu’elle soit, qui se veut scientifique, doit absolument tenir compte de ce triptyque incontournable : la forme, le fond et l’articulation de l’ensemble. Pour E. Durkheim, une science est définie par son objet d’étude spécifique et par une méthode qui lui est propre (Les règles de la méthode sociologique, 1919).
Les phrases doivent d’être courtes : sujet, verbe et complément. Les phrases longues ne sont pas bannies. Toutefois, il faut qu’elles soient simples et solides, claires et limpides. J’aime par-dessus tout, disait Flaubert, la phrase nerveuse, substantielle, claire. Le style doit user des moyens d’expression simples et précis, comment aborder le sujet et refléter sa personnalité. « On reconnait souvent un excellent auteur, disait Joubert, au mouvement de sa phrase et à la l’allure de son style ». L’articulation et la structuration de toutes ces composantes : mouvement de phrase, allure de style, structuration des données, objectivité, sobriété et précision du fond, cohérence et clarté du fond et de la forme, assurent nécessairement un bon fonctionnement de l’ensemble. Ce qui se conçoit bien, disait Boileau, s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément. On ne saurait se passer, observait Descartes, «d’une méthode pour se mettre en quête de la vérité des choses »
(Jilali Chabih, Pr. de Droit et de méthodes de recherche, FSJES – UCAM – Maroc).
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