05 octobre 1988, jour où l’Algérie a basculé dans l’horreur abjecte
Suite à la chute des revenus pétroliers, unique ressource de l’Algérie, en 1985-1986, le gouvernement algérien avait remisé le modèle socialiste et se tourna vers un une économie de marché.
Le Président Chadli Bendjedid engagea également d’importantes réformes politiques, légalisa les associations indépendantes et élargit cette liberté à des groupes comme la Ligue Algérienne des Droits de l’Homme. Cependant, la transition fut difficile car le chômage, l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat minèrent la confiance à l’endroit des dirigeants accusés de corruption à grande échelle.
Ainsi, le 05 octobre 1988, le mouvement des étudiants, soutenus par les travailleurs déclencha des grèves et protesta. Des troubles qui secoueront toute l’Algérie et aux cours desquels des propriétés du Front de Libération Nationale (FLN), des Mairies et des Postes de Police furent attaqués.
L’Etat d’Urgence, sous la responsabilité du Général Khaled Nezzar, sera déclaré et l’armée interviendra à Alger avec 10 000 hommes pour rétablir l’ordre avec à la solde plus de 600 morts, 3500 arrestations et des dégâts estimés à 250 millions de dollars.
Ces événements d’octobre 1988 ou événements d’octobre sont survenus après une série d’explosions récurrentes Kabylie (1980), Oran et Saïda (1982), Oran (1984), Alger (Casbah) 1985, Constantine et Sétif (1986). La grève de Rouiba, septembre–octobre 1988, indiqua que le défi social tendra à devenir le problème majeur d’un régime tiraillé par les luttes sournoises entre différentes factions, dont la plus importante mis en opposition le Président Chadli Bendjedid (1979–1992) à l’oligarchie du parti unique FLN qui contrôlait à la fois le syndicat UGTA et l’Organisation des anciens moudjahidine (ONM).
Le choc « d’octobre 1988 » a ébranlé profondément l’État et la société algérienne. Les activistes islamistes ont montré leur importance dans la mobilisation populaire, et le charisme de certains de leurs dirigeants. Mais ils ne sont pas les initiateurs du mouvement, largement spontané.
Et c’est dans le sillage de cette ouverture forcée que les islamistes ont trouvé une brèche pour s’imposer dans une société qui honnissait le parti unique. La confrontation qui a suivi a coûté la mort de dizaines de milliers d’Algériens, entre militaires, civiles et terroristes dans les années 1992-1993.
Aujourd’hui, en ce 31ème anniversaire de la révolte du 05 octobre 1988, la situation ne cesse d’empirer sur le plan politique en Algérie au moment même où sur le plan économique et social, tous les indicateurs sont au rouge et que la grande majorité des Algériens et des Kabyles ne rêvent que d’une seule chose à savoir, partir.
La situation n’est guère meilleure en Kabylie où le marasme est généralisé au moment où la guerre des clans au sommet du pouvoir ne cesse de se corser et de traîner en longueur prenant ainsi en otage tout un pays et tout un peuple. Pourtant, après le 05 octobre 1988, l’espoir, il faut le reconnaître, était né et nombreux avaient cru qu’un avenir radieux attendait les Algériens, avec notamment l’entrée en lice de partis politiques qui avaient une façade « démocratique » qui incarnaient plein de promesses. Mais c’était compter sans le vrai visage du pouvoir algérien.
Malheureusement, il est impossible que les leçons puissent être tirées de la révolte d’octobre 1988, ou de l’année de la grève du cartable en 1994, ou du printemps noir de 2001. Aussi, le recours à la répression pour mater les manifestations lors du 33ème vendredi de manifestations rendra plus complexe le dénouement de la crise d’autant les slogans des protestataires ont visé expressément l’armée et son Chef d’Etat-Major, véritable homme fort du pays face à un président par intérim, Abdelkader Bensalah, largement invisible.
« On s’est débarrassé de la « charita » (la charrette, le fauteuil roulant), on va se débarrasser de la bedaine » du replet Général Gaïd Salah, ont scandé avec humour les manifestants ; « on a le droit à Abdelmadjid Tebboune et Ali Benflis, des dinosaures qui ont longtemps été proches de Bouteflika et que le pouvoir veut présenter comme de grands démocrates. Alors pas question de voter dans ces conditions », « Les généraux à la poubelle et le peuple aura son indépendance », « la démocratie, c’est maintenant ou jamais qu’il faut l’arracher’ dans la rue ont scandé les manifestants dans toutes les villes et villages algériens.
Des manifestants qui continuent à lutter pour l’avènement de la deuxième République en raison d’une situation politique, économique, sociale et culturelle qui vacille entre la fébrilité et la gravité.
Preuve en est les manifestations commémoratives du massacre d’octobre 1988 se sont déroulées ce 05 octobre 2019 sur tout le territoire algérien. Manifestations au cours desquelles, pour la seule Alger on signale des dizaines d’arrestations à « Place des Martyrs ».
Il est plus que temps, aujourd’hui, pour le peuple algérien de chasser tous les résidus du régime vert-kaki, y compris et surtout Ahmed Gaïd Salah, pour instaurer un État civil réellement démocratique et populaire.
Farid Mnebhi.
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