Bientôt les ‘’photocoperies’’ (si le mot existe) seront prises d’assaut par les candidats à l’examen du baccalauréat régional et national. Bientôt les photocopieuses se mettront à avaler des documents pour les recracher sous forme de talismans à peine plus grands qu’une carte mémoire. Bientôt les ‘’photocopistes’’ (si le mot existe) mettront tout leur savoir faire au service de la fraude généralisée, à échelle industrielle. Des pages de cahiers seront réduites à leur strict minimum dans une culture de l’infiniment petit. Des pages de cahiers, de manuels scolaires ou de documents parallèles se transformeront en lanières qui deviendront à leur tour des accordéons ou des cigares par une opération de pliage ou d’enroulement : des cours intégraux d’histoire, de géographie ou de philosophie, des formules de mathématiques ou de physique, des schémas de sciences naturelles, des règles de français ou d’arabe, des versets du Coran…Les candidats en auront pleines les poches et pleins les replis de leurs habits. Des documents taillés pour la fraude, ils en auront partout le jour de l’examen, le jour de la fraude.

A la fin de l’examen, des montagnes de bouts de papiers de toutes les dimensions, de toutes les formes, réduits à leur minimum lisible rempliront à déborder les corbeilles des salles de classe, si le carton qui a servi en son temps de jeunesse d’emballage à Oléor, ou à d’autres marques d’huile ou à d’autres produits, travesti après usage en corbeille, peut-être qualifié de corbeille à papier.

Les élèves, armés comme il se doit de documents qu’ils camouflent partout et qu’ils n’hésitent pas à sortir à tout moment, bénéficiant parfois de l’indulgence ou de la complaisance du professeur surveillant, parfois de sa sympathie ou de sa faiblesse, parfois de son insouciance ou de son laisser aller. Les mesures dont il fait usage dans de tels cas consistent à fermer l’œil sur le contrevenant ou à le déposséder des documents, sans autre forme de procès. Le même candidat, enhardi par la souplesse de la mesure, n’hésite pas à récidiver ; les autres feront de même. La fraude devient par conséquent un droit dont il faut faire usage de manière discrète. Un accord tacite régit cette opération : L’élève dispose du moyen technique pour reproduire en miniature ses documents, il bénéficie de la clémence du professeur qui le surveille, il a l’aval de l’institution qui lui a désigné des professeurs de son lycée pour le surveiller.

La responsabilité ? Elle est partagée par les uns et par les autres depuis le ‘’ photocopiste’’ jusqu’au Ministère. Il convient plutôt de parler de complicité que de responsabilité.

Le ‘’photocopiste’’ met son savoir-faire et ses machines au service de la fraude générale ; le professeur chargé du contrôle ne réprime pas la fraude ; le Ministère n’offre pas les conditions pour prémunir contre la fraude. Le premier gagne de l’argent par une activité saisonnière mais très lucrative, le second s’acquitte avec bonheur d’une corvée sans avoir à ternir son image ni avec ses élèves de l’année en cours ni avec ceux des années passées ni avec ceux du lycée en général.

Le troisième apporte sa contribution à la fraude par sa politique qui consiste à confier au professeur de surveiller ses élèves ou les élèves de son lycée. En effet comment un professeur peut-il à la fois enseigner dans un lycée et en même temps surveiller les élèves du même lycée ?